Le carvédilol ne semble pas être une option efficace pour protéger contre la survenue à l’âge adulte d’une insuffisance cardiaque consécutive à un cancer survenu dans l’enfance, selon des travaux financés par l’Institut national du cancer (Inca) et menés par une coopération de chercheurs américains et canadiens.
Le carvédilol, indiqué dans le traitement de l’insuffisance cardiaque, est considéré comme un traitement cardioprotecteur potentiel chez les patients survivants d'un cancer infantile. Dans cette étude publiée dans le Lancet Oncology, les auteurs se sont particulièrement intéressés au cas des patients exposés à de fortes doses d'anticancéreux de la classe des anthracyclines, connus pour leur cardiotoxicité.
L’étude Prevent-HF est un essai randomisé en double aveugle de phase 2b, menée dans 30 hôpitaux nord-américains. Les 182 patients adultes recrutés entre 2012 et 2020 avaient été exposés à l’anthracycline dans l’enfance (250 mg/m2 de surface corporelle à l’âge de 21 ans) et présentaient une fraction d'éjection d'au moins 50 % et/ou un raccourcissement fractionnaire d'au moins 25 %. La moitié d’entre eux (89 patients) ont reçu du carvédilol en prise orale quotidienne (avec des doses jusqu’à 12,5 mg à par jour), et l’autre moitié (93 patients) a été mise dans le groupe placebo.
Pas de toxicité, mais pas de bénéfice non plus
Le critère d’évaluation principal était le rapport entre l’épaisseur et la dimension de la paroi ventriculaire gauche. Au bout d’un suivi médian de deux ans, ce rapport était similaire dans les deux groupes. Un événement indésirable de grade 2 est survenu chez deux patients du groupe carvédilol (un patient se plaignant d’essoufflement et un autre d’arthralgie) et aucun dans le groupe placebo. Il n’y a eu aucun événement indésirable de grade 3 ou plus, ni aucun décès.
En revanche, sur le critère secondaire d’évaluation, à savoir le niveau de déformation de la paroi ventriculaire gauche (représentatif des contraintes exercées sur le ventricule), le groupe carvédilol présentait de meilleurs résultats que le groupe placebo. Il est toutefois possible que cela soit lié à une réduction du volume sanguin plutôt qu’à un effet lié à une préservation de la fonction cardiaque.
Si le carvédilol à faible dose semble être sans danger chez les survivants à long terme d'un cancer infantile, les résultats de l’étude Prevent-HF « ne soutiennent pas l'utilisation du carvédilol pour la prévention secondaire de l'insuffisance cardiaque » chez ces mêmes patients exposés aux anthracyclines, concluent les auteurs.
Des résultats discordants
Ce n’est pas la première fois que la piste du carvédilol est explorée pour prévenir la cardiotoxicité induite par ce produit de chimiothérapie, avec des résultats discordants. En 2018, l’étude CECCY avait été menée au Brésil sur 200 femmes traitées pour un cancer du sein, et n’avait pas montré de bénéfice associé à la prise de bêtabloquant.
La même année, une étude indienne et une méta analyse américaine, concluaient au contraire que le carvédilol prévenait la détérioration de la fraction d’éjection ventriculaire gauche chez les patients survivants de cancers traités par la doxorubicine. Des essais randomisés chez des survivants de cancers pédiatriques traités par anthracycline, évaluant l’efficacité préventive des inhibiteurs de l'enzyme de conversion, s’étaient par ailleurs révélés négatifs.
Dans un commentaire associé, les Dr Jan Leerink (département de cardiologie du centre universitaire médical d’Amsterdam) et Elizabeth Feijen (centre médical Maxima d’Uttrecht) ne veulent pas totalement tourner la page du carvédilol : « Nous manquons de preuves solides sur la prévention cardiovasculaire par le carvédilol des individus survivants d’un cancer pédiatrique, et des questions demeurent concernant le degré d’exposition à partir duquel une prévention est nécessaire, ou sur la durée de cette prévention ».
« Cette étude n’était pas assez puissante » pour conclure de façon définitive, poursuivent les deux experts. Et d’ajouter : « En analyse post-hoc, la survie sans événement cardiovasculaire s’est révélée potentiellement supérieure dans le groupe carvédilol que dans le groupe placebo. » Ils plaident pour la mise en place d’études plus larges avant d’abandonner la molécule en prévention.
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