Si la recherche systématique d’une maladie rénale chronique (MRC) n’est pas préconisée en population générale, un dépistage annuel est recommandé pour les patients présentant un ou plusieurs facteurs de risque (cf. encadré).
Désormais, ce dépistage repose non plus sur l’albuminurie seule mais sur le RAC (rapport albuminurie sur créatininurie), associé à une créatinine sanguine.
A1 : résultat normal (< 30 mg/g ou < 3 mg/mmol),
A2 : albuminurie modérément augmentée (30-300 mg/g ou entre 3 et 30 mg/mmol),
A3 : albuminurie augmentée (> 300 mg/g ou > 30 mg/mmol).
« La systématisation du RAC est une bonne chose, explique François Vrtovsnik, président de la Société francophone de néphrologie, dialyse et transplantation (SFNDT). En effet, ce test présente différents intérêts majeurs. D’une part, comme l’interprétation de l’albuminurie dépend du volume urinaire émis, l’ajout du dosage de la créatinine urinaire, qui est une donnée constante pour un individu, permet la prise en compte de la variabilité de la concentration urinaire. D’autre part, il est réalisable sur un simple échantillon d’urine. » Une simplicité de mise en œuvre intéressante, notamment pour des patients peu autonomes.
Autre atout : ce marqueur très précoce permet de détecter une MRC avant même une diminution du DFG. « Un RAC augmenté peut marquer la présence d’une MRC avant l’apparition d’une insuffisance de l’organe objectivée par une baisse du DFG, précise François Vrtovsnik. Lors d’un dépistage de MRC, il est donc important que les médecins généralistes prescrivent une créatininurie. Avec les biologistes, la SFNDT milite auprès de la Cnam pour que cette analyse puisse être ajoutée par le médecin biologiste en cas d’oubli. »
Un score de progression de la MRC
Couplé avec la créatinine, le RAC permet de calculer le risque évolutif d’une MRC à cinq ans : le score de risque rénal S2R ou KFRE (Kidney Failure Risk Equation) exprime en pourcentage le risque d’atteindre le stade de la suppléance (dialyse ou greffe) à cinq ans pour un patient donné. Il peut être demandé au laboratoire lors du dépistage. « Le KFRE est de définition encore récente, commente François Vrtovsnik. Pour le généraliste, c’est un marqueur d’alerte qui doit le conduire à référer le patient au néphrologue. »
Le dépistage de la MRC permet, si besoin, la mise en place de traitements néphroprotecteurs comme les IEC ou les sartans, et les gliflozines (inhibiteurs du SGLT2) ; ils peuvent être prescrits ensemble. « Dans un premier temps, rappelle François Vrtovsnik, face à un RAC anormal, il importe toujours de chercher des facteurs de risque de la MRC (hypertension, diabète…) et de les traiter. »
Et la protéinurie ?
La protéinurie prend en compte toutes les protéines excrétées et pas seulement l’albumine (qui représente 60 à 80 % de ces protéines). Son dosage garde des indications mais il doit aussi être couplé à celui de la créatininurie. Le recueil des urines des 24 heures reste nécessaire pour suivre la consommation de sel et de protéines.
Le dépistage de la MRC représente un fort enjeu de santé publique et individuelle. On estime que 7 à 10 % des Français présentent une atteinte rénale et la maladie est encore trop souvent diagnostiquée à un stade avancé. Une prise en charge précoce et adaptée permet souvent de ralentir l’évolution de la MRC.
Facteurs de risque de maladie rénale chronique retenus pour le dépistage (d’après la HAS)
- diabète
- hypertension artérielle traitée ou non
- maladie cardiovasculaire athéromateuse
- insuffisance cardiaque
- obésité (IMC > 30 kg/m²)
- maladies de système ou auto-immunes (lupus, vascularite, polyarthrite rhumatoïde…)
- affections urologiques (malformation urinaire, infections urinaires récidivantes, etc.)
- antécédents familiaux de maladie rénale avec insuffisance rénale évolutive
- antécédents de néphropathie aiguë
- traitements néphrotoxiques antérieurs (médicaments néphrotoxiques, en particulier AINS, chimiothérapie, etc.)
- exposition aux produits de contraste iodés, radiothérapie ciblant l’aire rénale, etc.
- exposition à des toxiques professionnels (plomb, cadmium, mercure)
Isabelle Vixege
D’après un entretien avec le Pr François Vrtovsnik, président de la Société francophone de néphrologie, dialyse et transplantation (SFNDT).
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