Insuffisance cardiaque

Pas de retraite pour les diurétiques !

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Publié le 29/06/2023
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Quotidiennement utilisés depuis plus de 64 ans dans le traitement de l'insuffisance cardiaque malgré un faible niveau de preuve (faute d'essai thérapeutique), les diurétiques viennent de faire l'objet de nombreuses études les mettant enfin devant le feu des projecteurs…

Crédit photo : VOISIN/PHANIE

L'action des diurétiques de l'anse est maintenant complétée, en amont par les inhibiteurs du cotransporteur sodium glucose de type 2 (iSGLT2) et les inhibiteurs de l'anhydrase carbonique (IAC) - agissant au niveau du tubule proximal - et en aval par les antagonistes des récepteurs minéralocorticoïdes (ARM) hormonaux ou non, avec un effet sur le tubule distal. 

Furosémide ou torsémide ?

L'étude TRANSFORM-HF s’est intéressée aux diurétiques de l’anse, les plus puissants salidiurétiques. Menée chez 2 859 patients hospitalisés pour insuffisance cardiaque (IC) quelle que soit la fraction d'éjection (FE), elle compare le furosémide au torsémide, qui offrirait pour avantage une meilleure absorption et une demi-vie plus longue. Après un suivi de 17,4 mois, aucune différence n'est apparue pour le critère primaire, la mortalité toute cause, ou les cinq critères secondaires. Cette étude incite donc à poursuivre l’utilisation habituelle du furosémide ou du bumétamide. 

Associer les diurétiques

Le tubule proximal, où 65 % du sodium filtré est réabsorbé, fait l'objet de toutes les attentions. En raison de leurs effets cardio- et néphroprotecteurs, les iSGLT2, qui entraînent une natriurèse associée à une diurèse osmotique, sont maintenant indiqués non seulement dans le diabète de type 2 et l’IC quelle que soit la valeur de la FE, mais également en cas de maladie rénale chronique. Les inhibiteurs de l'anhydrase carbonique ont été évalués dans l'IC aiguë au cours de l’essai ADVOR, où ils se sont révélés efficaces en association aux diurétiques de l'anse, pour assurer une décongestion rapide.

Le tubule distal n'a pas été oublié. Dans l'IC aiguë, les diurétiques thiazidiques ont fait l'objet de l’essai CLOROTIC, où l'association d'hydrochlorothiazide au furosémide intraveineux a amélioré la réponse diurétique, au prix d'une aggravation plus fréquente de la fonction rénale. Un ARM non hormonal, la finérénone, a démontré une action protectrice des reins et du système cardiovasculaire, au cours des essais FIDELIO et FIGARO réalisés chez des patients diabétiques de type 2 présentant une maladie rénale chronique. 

Apprendre à gérer un triple traitement

Ainsi, chez un nombre croissant de nos patients insuffisants cardiaques, souvent diabétiques et insuffisants rénaux, nous allons devoir apprendre à gérer un triple traitement diurétique agissant tout au long du néphron, sans générer d'hypovolémie ou de désordre électrolytique. L'attitude la plus simple sera de diminuer la dose des diurétiques de l'anse chez les patients euvolémiques à leur posologie minimale efficace, voire de les arrêter. Si la prudence reste de mise, les premières données concernant ces associations sont rassurantes. La méta-analyse des essais consacrés aux iSGLT2 n'a pas retrouvé d'interaction avec l'utilisation des ARM, le bénéfice du critère primaire étant similaire chez les patients avec ou sans ARM. L’association de ces deux classes permet même une diminution plus importante de la mortalité cardiovasculaire.

Les diurétiques ne sont donc pas prêts à prendre leur retraite dans le traitement de l'IC…

CHU de Toulouse

Pr Michel Galinier

Source : lequotidiendumedecin.fr