Aspirine en prévention primaire des AVC : des risques et aucun bénéfice chez les sujets âgés

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Publié le 27/07/2023
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Crédit photo : GARO/PHANIE

La prise quotidienne d'aspirine à faible dose n'est pas associée à une balance bénéfice-risque favorable en prévention primaire des accidents vasculaires cérébraux (AVC) chez les sujets âgés. C'est ce que montre une récente étude australo-américaine parue dans le « Jama Network Open ». Elle met en évidence un risque accru d'hémorragie intracérébrale avec l'aspirine, sans bénéfice sur la survenue d'accidents vasculaires cérébraux (AVC) ischémiques.

« À notre connaissance, l'essai clinique randomisé Aspree est le premier essai à grande échelle à étudier l'aspirine dans une population exclusivement âgée en prévention primaire, dans laquelle une tendance accrue aux saignements peut modifier l'équilibre entre les risques et les bénéfices de l'aspirine », écrivent les auteurs.

Il s'agit ici d'une analyse secondaire de l'essai Aspree ayant inclus 19 114 personnes de plus de 70 ans (âge médian de 74 ans) ne présentant pas de maladie cardiovasculaire symptomatique, avec une durée médiane de suivi de 4,7 ans. Le recrutement a eu lieu en Australie et aux États-Unis entre 2010 et 2014. Les participants ont été randomisés en deux groupes, l'un recevant quotidiennement 100 mg d'aspirine entérosoluble (9 525 individus), le second un placebo (9 589).

Un risque probablement accru chez les patients sujets aux chutes

Une augmentation statistiquement significative de 38 % des hémorragies intracrâniennes a été observée dans le groupe aspirine en comparaison à celui  placebo, avec respectivement 108 (1,1 %) et 79 cas (0,8 %) (HR = 1,38 ; IC à 95 % : 1,03-1,84). Ce phénomène résulte d'une augmentation des accidents vasculaires cérébraux (AVC) hémorragiques dans le groupe aspirine, ainsi que de la combinaison d'hémorragies sous-durales, extradurales et sous-arachnoïdiennes. Concernant les AVC ischémiques, la faible réduction observée dans le groupe aspirine n'était pas significative (HR = 0,89 ; IC à 95 % : 0,71-1,11).

« Ces résultats suggèrent que l'aspirine à faible dose n'a peut-être aucun rôle à jouer dans la prévention primaire des AVC et qu'il convient d'être prudent quant à l'utilisation de l'aspirine chez les personnes âgées sujettes à des traumatismes crâniens (par exemple, à la suite d'une chute) », estiment ainsi les auteurs. Ils appellent les cliniciens à « être conscients que chez les personnes âgées sujettes aux chutes, les risques d'hémorragie intracérébrale avec l'aspirine peuvent être plus importants que ce qui est apparu dans cet essai ».

Cohérence avec les recommandations

Ces observations sont cohérentes avec les résultats obtenus précédemment, comme ceux d'une méta-analyse de 2020 menée par Judge et al. Généralement, les études antérieures ont porté sur des populations plus jeunes et ont montré elles aussi une faible réduction des événements ischémiques couplée à une augmentation des événements hémorragiques.

Mais « contrairement à notre étude, la diminution absolue des accidents ischémiques cérébraux l'a largement emporté sur l'augmentation des événements hémorragiques, ce qui a probablement conduit à ne pas considérer les hémorragies intracérébrales comme un élément important du compromis bénéfice/risque dans les populations plus jeunes », soulignent les auteurs.

Ils estiment que leurs résultats doivent au contraire peser dans la balance bénéfice/risque, qui apparaît ici défavorable chez des personnes à faible risque dans le cadre d'une prévention primaire, soulignant néanmoins le peu d'événements survenus dans leur étude. « Ces données appuient la recommandation de l'United States Preventive Services Task Force (USPSTF) selon laquelle l'aspirine à faible dose ne devrait pas être prescrite en prévention primaire chez les personnes âgées en bonne santé », écrivent-ils.


Source : lequotidiendumedecin.fr