omment le caractère peut-il être modifié après un traumatisme crânien (TC) ? Il est bien connu qu’en cas d’atteinte des lobes frontaux, l’impulsivité et la désinhibition sont majorées mais bien d’autres changements de tempérament sont observés.
« Les personnes blessées au niveau du lobe frontal font ou disent souvent des choses avant d’y avoir réfléchi. C’est comme si elles avaient bu trois ou quatre bières », expliquait le Dr Brent Masel, président et directeur médical de la Brain Injury Association of America.
Est aussi aujourd’hui bien documentée la hausse de l’agressivité et de la labilité émotionnelle après une blessure du cerveau. Un risque plus élevé
d'automutilation et de symptômes dépressifs a été observé chez des étudiants ayant subi une commotion cérébrale (1). Une multiplication par trois de la prévalence des troubles de la personnalité après un TC a par ailleurs été rapportée (2).
De plus, environ 60 % des personnes atteintes de lésions cérébrales traumatiques modérées ou graves signaleraient des changements cognitifs et comportementaux, lesquels durent plus de 10 ans après une lésion cérébrale post-traumatique. Plus de 50 % des traumatisés crâniens graves sont incapables de retourner à leur travail (3), y compris 18 mois à deux ans après l’événement.
Chute du score d'empathie
Beaucoup de survivants à des lésions cérébrales voient leurs interactions sociales s’altérer. Une méta-analyse récente de 2021 (4) sur 1 031 patients et 865 témoins sains a révélé que la capacité à deviner les états mentaux d’autrui était significativement altérée en cas de TC. Le score d’empathie serait significativement diminué, suggère aussi une petite étude (5) chez 64 patients.
Les causes de ces bouleversements ne sont pas limpides, les réseaux neuronaux étant extrêmement complexes. « Grâce aux outils récents d’imagerie, les neurologues ont découvert que dans le cerveau, il n’y a pas de plaque tournante unique pour l’émotion », expliquait le Dr Brent Masel.
Pas toujours en négatif
Le neurologue aurait aussi découvert que des personnes auparavant « désagréables » se transformaient en personnes « plus douces ». Des dommages sur des régions spécifiques du cerveau peuvent parfois avoir des effets positifs sur le tempérament et le moral de la victime. Ainsi, d'anciens combattants de la guerre du Vietnam ayant subi des dommages dans les zones cérébrales suspectées de jouer un rôle dans le développement d'un trouble de stress post-traumatique étaient moins susceptibles de développer ce trouble. En 2020, la psychologue Marcie King de l’Université de l’Iowa a observé chez 97 patients auparavant en bonne santé que 22 ont présenté après le TC des changements de personnalité estimés positifs par un parent ou un ami proche (7).
Personnalité antérieure
L’amélioration du comportement doit être prise avec des pincettes, confie pour sa part au « Quotidien » le neuropsychologue Thierry Meulemans (Université de Liège). En premier lieu, tout dépend de la personnalité antérieure, explique-t-il : « Alors que certaines lésions du cortex préfrontal entraînent un déficit des mécanismes d’inhibition, chez une personne qualifiée par ses proches “d’introvertie”, “manquant de confiance en elle”, on peut en effet concevoir qu’une telle lésion entraîne une désinhibition positivement perçue par ses proches. Mais chez un autre patient, dont la personnalité prémorbide était plus extravertie, l’effet désinhibiteur pourrait avoir des conséquences jugées nettement moins positives (familiarité excessive par exemple, au-delà de “l’acceptable” dans les rapports sociaux) ». À l’inverse, une lésion entraînant une certaine apathie pourrait avoir un effet socialement positif chez une personne connue de base pour un tempérament excessif.
Et, comme le rappelait le psychologue Christian Jarrett de la Royal Holloway à l’Université de Londres, « il convient de répéter que les lésions cérébrales (y compris les commotions cérébrales "légères") doivent toujours être traitées avec beaucoup de sérieux. Même dans les rares cas d’effets secondaires apparemment bénéfiques, les difficultés feront presque toujours partie du tableau clinique ».
(1) M. Yang et al, American Journal of Health Behavior, mars 2019. doi.org/10.5993/AJHB.43.2.3
(2) M. R. Hibbard et al, Brain Inj, janvier 2000;14(1):45-61
(3) R. Johnson, Neuropsychological Rehabilitation, octobre 2010. doi.org/10.1080/713755552
(4) X. Lin et al, Neuroscience & Biobehavioral Reviews, février 2021. doi.org/10.1016/j.neubiorev.2020.12.010
(5) C. Williams et al, Journal of Clinical and Experimental Neuropsychology, 2010. doi.org/10.1080/13803390902976940
(6) M. Koenigs et al, Nat Neurosci, 2007. doi: 10.1038/nn2032
(7) M. King et al, Neuropsychologia, août 2020. doi.org/10.1016/j.neuropsychologia.2017.11.023
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