Les premiers stades de la maladie d’Alzheimer ne sont pas anodins. Dès les symptômes prodromaux, outre la prise en charge médicale, le besoin d'accompagnement de la part des proches est prégnant. C'est ce que révèle l'étude « Focus Patient - Eisai » présentée à l’occasion de la journée mondiale ce 21 septembre. Menée en collaboration avec le Pr Julien Dumurgier, neurologue et chercheur au Centre de neurologie cognitive de l'hôpital Lariboisière, à Paris, elle se fonde sur les témoignages de 6 491 patients atteints de maladie d’Alzheimer débutante (55 %) ou aidants (45 %), postés sur les forums Internet entre le 1er juin 2013 et le 31 mai 2023.
La communauté scientifique internationale reconnaît la partie pré-démentielle de la maladie d’Alzheimer - avec des troubles cognitifs légers sans retentissement sur la vie quotidienne – depuis 1999. En France, plus de 55 000 personnes de moins de 65 ans sont atteintes de la maladie d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée.
Même lorsqu'ils sont légers et débutants, les troubles cognitifs modifient la vie au sein de la sphère familiale (63 % des témoignages), les relations sociales et amicales (10 %), professionnelles (9 %) ou les loisirs (10 %). « Le travail, par exemple, se trouve très vite impacté par la maladie : les troubles de la concentration, de la mémoire et les difficultés pour accomplir les tâches habituelles sont visibles par les collègues et la hiérarchie. Néanmoins, d'après la grande majorité des témoignages, le travail reste un élément important pour conserver une vie sociale », souligne Geoffroy Sainte-Claire Deville, directeur du développement de Focus Patient.
Interrogations et stigmatisation
Les premiers symptômes - troubles de la mémoire, stress, fatigue, douleur psychique - et l'annonce du diagnostic génèrent un grand nombre d'interrogations de la part du patient et de ses proches. Près de 30 % de ces questions, posées sur les forums, concernent un appel à l’aide face aux signes, symptômes et comportements anormaux. Et 23 % des interrogations concernent l’origine de ces troubles : hérédité, mode de vie, rôle de certains médicaments ou des vaccins…
Par ailleurs, les témoignages liés aux préjugés émanant de la famille, de certains amis ou de collègues ne sont pas rares. « La stigmatisation et la discrimination des personnes malades sont le premier frein à une démarche diagnostique permettant l’entrée, le plus tôt possible, dans un parcours de soins et d’accompagnement adapté et coordonné », affirme Benoît Durand, directeur délégué de l’association France Alzheimer.
Un sentiment ambivalent face à la maladie
Sur les forums, de nombreux patients font part de l'errance diagnostique qu'ils ont vécue. « S'ils consultent le médecin généraliste de façon précoce, le neurologue n'intervient que très tardivement. En outre, les patients évoquent souvent une prise en charge par un psychiatre dans leurs témoignages : cela montre que les troubles cognitifs débutants font penser à la dépression », précise Geoffroy Sainte-Claire Deville. Par ailleurs, les consultations mémoire, lieux de référence pour établir un diagnostic de la maladie d’Alzheimer, sont mentionnées dans seulement 41 témoignages.
Enfin, si la majorité des patients décrivent des sentiments négatifs (peur, angoisse, inquiétude…), ils gardent espoir et mettent souvent en avant l’amélioration de la prise en charge médicale, dans leurs témoignages. « La France a été pionnière dans la structuration du parcours de soins des personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer, mais une relative stagnation a été observée au cours de la dernière décennie. De réels espoirs existent : l’arrivée de nouveaux médicaments ciblant les mécanismes de la maladie et la possibilité de marqueurs diagnostiques accessibles par une simple prise de sang en sont de bons exemples », conclut le Pr Julien Dumurgier.
La recherche avance
Ces dernières années, les nouveaux anticorps monoclonaux anti-amyloïde ont redynamisé la recherche au stade débutant de la maladie. Après le controversé aducanumab, l’autorisation aux États-Unis du lécanémab (Leqembi des laboratoires Eisa et Biogen) en 2023 puis début juillet 2024 du donanémab (Kisunla, laboratoire Eli Lilly) soulève des espoirs avec pour la première fois un ralentissement du déclin cognitif au stade débutant.
L’Agence européenne du médicament a pris une position différente en refusant la mise sur le marché du lécanémab fin juillet estimant que l’effet « ne contrebalance pas le risque d’effets secondaires graves associés au médicament » dans un communiqué. Si la plupart des anomalies radiologiques liées à l’amyloïde, appelées Aria, étaient asymptomatiques, certains patients ont en effet présenté « des hémorragies étendues nécessitant une hospitalisation ». Pour la Pr Tara Spires-Jones, spécialiste sur la neurodégénérescence à l'université d'Édimbourg, « le lécanémab a montré qu’il était possible de ralentir la progression de la maladie » ajoutant qu’ « il nous faut maintenant intensifier nos efforts pour découvrir de nouveaux traitements plus sûrs ».
Un espoir partagé par les professionnels des centres Mémoire de ressources et de recherche ainsi que la fondation Recherche Alzheimer et Vaincre Alzheimer, qui soutiennent le développement de biomarqueurs diagnostiques plus précoces et moins invasifs (an particulier des tests sanguins) dans l’optique d’un meilleur accompagnement et d’un accès à de futurs traitements.
D’après une conférence de presse du laboratoire Eisai
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