Examen gérontologique standardisé

Explorer un trouble de la mémoire en médecine générale

Publié le 30/05/2012
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Crédit photo : S TOUBON

UN EXAMEN gérontologique standardisé (EGS) devrait servir de base à toute évaluation cognitive des patients âgés venant consulter pour un trouble de la mémoire. En effet ce trouble peut être un début de pathologie neurodégénérative ou s’intégrer dans le cadre d’une pathologie grave ou d’un syndrome confusionnel, liés le plus souvent à une pathologie non neurologique.

L’EGS est un examen global type à réaliser à l’aide d’un certain nombre d’outils validés et spécifiques, afin d’évaluer l’ensemble des pathologies somatiques (cardio-vasculaire, nutrition, recherche d’une pathologie grave ou douloureuse), et les fonctions cognitives, sociales, ainsi que l’autonomie fonctionnelle d’un patient âgé.

Cette évaluation permet de dépister suffisamment tôt un certain nombre de déficits pour mettre en place des attitudes de prévention, de traitement et de prises en charges efficaces. Elle se situe après la pratique de l’examen clinique traditionnel qui reste indispensable et oriente le choix des examens paracliniques et des consultations spécialisées éventuellement nécessaires ultérieurement. L’intérêt de cet EGS, représente une réelle amélioration par rapport à une médecine plus classique. L’évaluation du trouble cognitif commencera par un recueil de la plainte qui a conduit le sujet âgé à consulter. Il faudra tenir compte à tout âge du niveau socioculturel pour interpréter les résultats du bilan réalisé.

Le continuum

On connaît mieux maintenant le continuum de la maladie d’Alzheimer qui commence longtemps avant son diagnostic. Le déclin cognitif est un continuum commençant vingt à quinze ans avant le diagnostic éventuel de MA.

Le premier signe est une plainte de mémoire ; certains ont appelé cela le trouble cognitif subjectif ou SCI. Le patient sait qu’il n’a plus les mêmes performances qu’avant, mais reste dans les normes aux tests. On lui dit : « Fonctionnement cognitif normal » et pourtant il continue à se plaindre. Ces patients sont souvent dépressifs mais le traitement de la dépression ne les guérit pas toujours.

Selon l’étude PAQUID, un premier déclin cognitif est décelable par certains tests douze ans avant un diagnostic de MA, sur des performances de mémoire sémantique (test de fluence verbale) et sur le score de dépression.

Deux ans après, un déficit plus global s’installe (MCI), avec une augmentation de la plainte de mémoire et de la dépression. À ce stade soit sept ans avant le diagnostic de MA, il existe une aggravation de la mémoire épisodique verbale puis deux à trois ans avant un trouble exécutif. À ce moment-là, en conséquence de cette baisse cognitive, le sujet devient légèrement dépendant, pour des activités les plus élaborées de la vie quotidienne. Les trois dernières années sont marquées par une aggravation jusqu’à ce que le sujet remplisse les critères diagnostiques de MA.

Suivre tous ceux qui se plaignent de leur mémoire

En conclusion, en médecine générale,Il faut suivre tous ceux qui se plaignent de leur mémoire. C’est en effet le suivi au long cours, tous les six mois, d’un sujet qui permettra de déceler un déclin. Le suivi peut se faire en quantifiant leur plainte ; l’aggravation de la plainte est un signe d’alerte. Le médecin généraliste peut faire un MMS, une évaluation de la fluence verbale ou adresser le sujet dont la plainte s’aggrave en consultation mémoire pour avoir un bilan initial. La dépression n’est pas un critère excluant une évolution vers une MA, au contraire.

Facteurs de risque, facteurs protecteurs

Les principaux facteurs de risque de la MA sont :

- l’âge,

- le gène Apo E4,

- des antécédents familiaux de MA,

- un antécédent de traumatisme crânien,

- un événement de vie grave avant l’âge de 16 ans,

- une dépression,

- incidence à la moitié de la vie d’un terrain vasculaire incluant différentes pathologies : une hypercholestérolémie, une HTA, un diabète, un tabagisme, une insuffisance respiratoire, un alcoolisme.

Les facteurs protecteurs sont :

- un niveau d’éducation supérieur,

- la nutrition : antioxydants, poisson 2 à 3 fois par semaine, fruits et légumes,

- une vie sociale active,

- une vie intellectuelle riche,

- une activité physique régulière (au moins 2 fois par semaine + de 1 heure ou 3 fois une demi heure) ; la danse a été identifiée dans plusieurs études épidémiologiques comme facteur protecteur,

- une consommation régulière mais faible d’alcool,

- les antioxydants.

Le questionnaire de risque (cf tableau)

On peut proposer aux médecins généralistes qui rassurent les patients après un test ou un bilan mémoire, aient une attitude positive surtout chez les moins de 70 ans et en fonction du score total de risque.

On peut proposer qu’ils fassent une ordonnance de prévention pour corriger les risques existants, par exemple, prescrire une activité physique régulière (dont la danse), une meilleure nutrition (oméga 3, anti oxydants,…), une correction de l’HTA, de l’arythmie, du cholestérol.

 Dr LAURENCE HUGONOT-DIENER CMRR Paris Sud, hôpital Broca APHP

Source : Le Quotidien du Médecin: 9133