Est-ce, de nouveau, la fin d'un dogme en médecine ? Si un premier essai japonais (1) avait montré l'efficacité de la thrombectomie dans les formes étendues d'accidents vasculaires cérébraux (AVC) ischémiques en 2022, ce n'était pas suffisant pour lever les réserves. La publication conjointe de deux nouvelles grandes études, dans le même numéro du New England Journal of Medicine, Select2 (2) et Angel-Aspect (3), ne laisse plus de place au doute.
« Ces deux nouvelles études de méthodologie similaire jettent un pavé dans la mare, estime le Pr Mikael Mazighi, neurologue à l'hôpital Lariboisière et à la Fondation Rothschild (Paris). Les gros AVC sont classiquement une contre-indication au sens large à la thrombolyse et à la thrombectomie en raison du risque hémorragique. »
Les résultats présentés début février 2023 à l'occasion de l'International Stroke Conference, à Dallas, ont fait grand bruit au sein de la communauté neurovasculaire, rapporte-t-il. « Toutes les études en cours ont été stoppées, les comités scientifiques se sont réunis en urgence », indique-t-il.
Prise en charge dans les 24 heures de l'AVC
Les deux études randomisées en ouvert, l'une internationale, Select2 (31 centres aux États-Unis, au Canada, en Europe, en Australie et en Nouvelle-Zélande), et l'autre chinoise, Angel-Aspect, ont, elles-mêmes, été arrêtées prématurément pour efficacité (352 patients inclus dans la première, 456 dans la seconde). La thrombectomie était réalisée jusqu'à 24 heures après le début de l'AVC.
Le même critère principal de jugement a été choisi : le score de Rankin modifié à trois mois, qui va de 0 à 6, un score élevé reflétant un handicap plus élevé.
Dans les études intermédiaires, le résultat du Rankin à trois mois montrait un bénéfice significatif dans les deux études (OR à 1,51 pour Select2, p < 0,001, et à 1,37 pour Angel-Aspect, p = 0,004). La mortalité était similaire dans les deux groupes (24 % à l'hôpital dans Select2, environ 20 % à trois mois dans Angel-Aspect).
Autre élément important, la thrombolyse était réalisée dans 20,8 % du groupe thrombectomie et 17,3 % du groupe médical dans les 4,5 heures suivant l'AVC dans Select2 ; environ 28 % dans les deux groupes pour Angel-Aspect.
Des essais rassurants pour le risque hémorragique
Les complications hémorragiques étaient plus fréquentes avec la thrombectomie dans l'étude chinoise (6,1 % versus 2,7 % dans le groupe médical) mais leur survenue était la même dans l'étude internationale (un et deux cas). Des complications artérielles ont été rapportées avec la thrombectomie dans Select2 : accès au site (cinq cas), dissection (10), perforation vasculaire cérébrale (sept), vasospasme transitoire (11).
Ces résultats vont changer les pratiques, assure le Pr Mazighi. « Les indications de la thrombectomie vont encore s'élargir, explique-t-il. Non seulement le traitement endovasculaire est bénéfique pour les gros AVC, mais il l'est avec une prise en charge allant jusqu'à 24 heures après le début de l'accident. » Sans oublier qu'un autre paradigme tombe pour la thrombolyse. « Au moins 20 % des patients des deux études ont été thrombolysés ; en théorie, on n'aurait pas dû dans ces gros AVC », rappelle-t-il.
Mais le neurologue parisien pointe l'offre de soins insuffisante en France, alors que l'incidence des AVC va augmenter de 30 % d'ici à 2035 en Europe et de 50 à 70 % d'ici à 2050 en France.
(1) S. Yoshimura et al, N Engl J Med, 2022. DOI: 10.1056/NEJMoa2118191
(2) A. Sarraj et al, N Engl J Med, 2023. DOI: 10.1056/NEJMoa2214403
(3) X. Huo et al, N Engl J Med, 2023. DOI :10.1056/NEJMoa2213379
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