On attendait la sortie du modèle agricole dominant, on a la perspective d’une agriculture « moins dépendante aux pesticides ». Le sevrage n'est donc pas envisagé… Face aux risques sanitaires et environnementaux que plus personne ne conteste, le plan gouvernemental propose de « diminuer rapidement l’utilisation des substances les plus préoccupantes pour la santé et l’environnement ». En commençant par les CMR 1 (1) et les substances persistantes dans l’environnement, dont le retrait devait être effectif depuis… 2009. Il vise aussi à faire évoluer le cadre législatif européen par différentes mesures techniques en cohérence avec le principe de précaution (études indépendantes pour les cas les plus controversés, conditions de substitution de produits, définition de faits scientifiques nouveaux permettant de reconsidérer les autorisations). Tous ces points permettraient incontestablement des avancées.
En parallèle il sera demandé à l’Anses (2), d’engager une expertise concernant les substances repérées par la mission commune agriculture, santé, environnement de décembre 2017. Mais sans possibilité de faire de contre-expertise dans le cadre européen actuel, l’Agence ne pourra que se fier aux documents fournis par les industriels pour apporter des éléments nouveaux de dangerosité. À moins qu’elle ne parvienne à s’appuyer sur la littérature scientifique qui, non produite selon les standards des règlements internationaux, a cependant peu de chance d’impressionner l’EFSA (3).
La mise sur le marché de perturbateurs endocriniens risque de continuer
Nous sommes bien chez Kafka, et la mise sur le marché de CMR simplement possibles et de nouveaux Perturbateurs Endocriniens risque de continuer longtemps… Ce n’est donc pas d’une énième étude de cancérogénicité concernant le glyphosate prévue par ce plan dont nous avons besoin, mais d’une remise à plat du modèle d’évaluation des pesticides. Celle-ci doit tenir compte des données scientifiques nouvelles : effets cocktails rendant un produit avec ses coformulants souvent plus dangereux que la seule substance évaluée ; importance des périodes de vulnérabilité que constitue la grossesse, la petite enfance, la puberté ; effets neurotoxiques passant largement sous les radars de l'évaluation européenne. Cette remise à plat ne peut plus éluder cette question : comment accorder notre confiance à un processus d'expertise opaque, reposant largement sur les études classées secret-défense des industriels ?
À défaut d’engager ce combat européen, dont l’issue est certes largement hypothétique, le gouvernement semble au moins se donner les moyens d’accumuler les preuves du forfait : actualisation de l’expertise Inserm de 2013 portant sur les effets sanitaires et de celle de l’Inra concernant l’impact sur la biodiversité, biosurveillance, recherche sur les effets cocktails… Et ouvre le chantier de la protection des riverains (des zones non traitées par des produits classés dangereux vont-elles enfin être définies ?). Il semble aussi vouloir imposer la séparation bienvenue des activités de conseil et de vente des pesticides et mobiliser la recherche agronomique sur les approches système.
Ambiguïté sur l'agriculture biologique
Si certaines choses vont dans le bon sens, d’où vient alors ce sentiment que le compte n’y est pas ? De l’ambiguïté entretenue sur les aides à l'agriculture biologique (AB), alternative plébiscitée par les consommateurs et moyen préventif incontournable au moins lors de la grossesse et la petite enfance. Ce plan et les récentes mesures gouvernementales se concentrent en effet sur un soutien à la conversion en AB, alors que la suppression de l’aide au maintien reste d’actualité.
Le Président de la République avait pourtant mis la reconnaissance des services environnementaux au centre de son discours de Rungis (octobre 2017). Comment, un pied sur la pédale d’accélérateur et l’autre sur le frein, sécuriser la transition forcément compliquée des agriculteurs ? Et permettre à tous de réduire notre exposition à ces produits sans attendre l'évolution du cadre européen ?
(1) CMR 1 : cancérigènes, mutagènes, reprotoxiques certains. Le règlement de 2009 stipule qu’ ils doivent être retirés du marché mais permet de continuer à utiliser les CMR simplement possibles dont bon nombre seront les CMR certains de demain…
(2) L' Anses est l’agence de sécurité sanitaire française chargée de l’étude et de la délivrance des autorisations de mise sur le marché des pesticides
(3) EFSA : agence européenne de sécurité de l’alimentation qui accorde l’autorisation aux substances actives (SA), les Etats délivrant les AMM des produits (en France c’est l’Anses qui en est chargée).
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