Adénopathies de l’enfant : penser à l'infectieux, éliminer les tumeurs

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Publié le 16/06/2023
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Puisque les adénopathies peuvent être liées à un grand nombre de diagnostics, la découverte d’une ou plusieurs adénopathies (ganglion > 1 cm) chez l'enfant impose de rechercher une cause infectieuse mais aussi d’éliminer une cause tumorale.
Il convient d’être méthodique dans l’exploration étiologique

Il convient d’être méthodique dans l’exploration étiologique
Crédit photo : GARO/PHANIE

Le système lymphoïde de l’enfant étant très réactif, la palpation de petits ganglions mobiles est très fréquente. Cependant, des adénopathies même superficielles peuvent révéler une maladie grave. Il convient donc d’être méthodique dans l’exploration étiologique : caractère unique ou multiple, localisation et type, mode évolutif, signes associés (fièvre, douleur, éruption, infection ORL ou buccodentaire, etc.), contexte.

Une adénopathie indolore, petite et mobile est en faveur d’une infection virale ou bactérienne, une adénopathie indolore volumineuse, dure et adhérant aux plans profonds est suspecte de malignité (adénopathies sus-claviculaires ou médiastinales).

Une adénopathie cervicale ou plusieurs dans un contexte fébrile sans cause ORL impose de rechercher une maladie de Kawasaki, vascularite systémique fébrile dont la prise en charge doit se faire sans délai.

Les adénopathies généralisées doivent faire rechercher un processus systémique. Les infections virales - mononucléose infectieuse (MNI liée à EBV) ou infection à CMV - ou parasitaires à toxoplasme sont les principales causes ; les adénopathies (cervicales, occipitales, rétro-auriculaires) sont bilatérales, souvent de grande taille, sensibles, sans modification de la peau en regard et peuvent s’accompagner de fièvre avec asthénie, d’énanthème pharyngé (MNI) et, dans certains cas, d'hépatosplénomégalie. Selon le contexte, évoquer la rubéole chez les enfants non vaccinés, une infection à VIH ou une tuberculose. Les hémopathies malignes peuvent aussi se manifester par des adénopathies généralisées.

Les questions à se poser

Existe-t-il un contexte d’urgence ? Altération de l’état général, signes évocateurs d’une insuffisance médullaire, torticolis fébrile, signes d’inflammation cutanéomuqueuse évocateurs de maladie de Kawasaki (hyperhémie conjonctivale, énanthème labial et buccal, etc.).

L’adénopathie est-elle isolée ou multiple ? Une adénopathie unique avec un contexte évident d’infection est une situation radicalement différente d’une adénopathie unique indurée, fixe, hors contexte infectieux qui, elle, doit faire penser à une tumeur. Des adénopathies disséminées et généralisées imposent de rechercher une hémopathie.

Quelle est la localisation de l’adénopathie ? Existe-t-il un contexte infectieux ? Les adénopathies sus-claviculaires, toujours pathologiques et souvent malignes, peuvent être associées à une pathologie médiastinale ou abdominale. Axillaires, elles sont en général inflammatoires et provoquées par des lésions des membres supérieurs ou par la maladie des griffes du chat (bactérie à Gram négatif Bartonella henselae). L’aisselle peut aussi être le siège d’adénites tuberculeuses ou lymphomateuses.

Inguinales, elles sont d’habitude secondaires à des infections des membres inférieurs.

Les adénopathies occipitales et rétro-auriculaires sont généralement secondaires à des lésions du cuir chevelu ; cette localisation est aussi fréquente au cours de la rubéole. Pré-auriculaires, il peut s’agir d'infections (Chlamydia, adénovirus ou maladie des griffes du chat), mais aussi d'une pathologie orbitaire infectieuse ou tumorale. Les adénopathies sous-maxillaires et sous-mentonnières font rechercher des problèmes dentaires ou de la muqueuse buccale.

Ce qu’il faut faire

Faire un bilan : NFS, CRP, bilan hépatique, radiographie de thorax, sérologies (CMV, EBV, toxoplasmose, Bartonella henselae, selon le tableau clinique et le contexte, sérologie VIH, recherche de BK). Échographie abdominale selon la clinique.

Rechercher des signes de gravité : signes généraux, signes de compression (en particulier détresse respiratoire dans les adénopathies médiastinales), syndrome tumoral, signes d’insuffisance médullaire (pâleur, syndrome hémorragique cutanéomuqueux), signes neurologiques. Adresser aux urgences et/ou vers un service d’onco-hématologie.

Rechercher une porte d’entrée ou une infection régionale dans les adénopathies superficielles localisées : rechercher d'abord une infection virale ou bactérienne des voies aériennes supérieures (ganglion cervical). Évoquer la maladie des griffes du chat (papule locale, lymphadénite régionale, adénopathie unique, douloureuse, de grande taille, souple, avec fièvre). Si besoin, poursuivre l’examen ORL (cavum, fosses nasales, conduits auditifs). En l’absence de diagnostic étiologique et de persistance de l’adénopathie, pratiquer une cytoponction et/ou une antibiothérapie d’épreuve type amoxicilline/acide clavulanique.

Ce qu’il faut retenir

- Quelle que soit sa localisation, une adénopathie isolée persistante impose un diagnostic étiologique.

- La prise en charge hospitalière est une urgence en cas de syndrome de compression, d'atteinte de l’état général ou de maladie de Kawasaki.

- Rechercher les infections les plus fréquentes, éliminer une hémopathie devant des adénopathies disséminées.

D’après un entretien avec la Dr Marie-Gabrielle Vigué, service de pédiatrie générale, infectiologie et immunologie clinique à l'hôpital Arnaud de Villeneuve à Montpellier

Dr Caroline Martineau

Source : lequotidiendumedecin.fr