Des fiches aisément consultables

La prévention du paludisme chez l’enfant

Publié le 02/12/2022
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Avec 500 cas par an dont 7 % de graves, le paludisme pédiatrique importé reste un sujet de préoccupation en France. Et de nombreuses idées fausses persistent. Le Groupe de pédiatrie tropicale de la Société française de pédiatrie a rédigé des fiches à destination des médecins et des familles ainsi que des ordonnances adaptées à l’âge et au poids.
L’observance des mesures de prévention contre les piqûres de moustique est absolument nécessaire

L’observance des mesures de prévention contre les piqûres de moustique est absolument nécessaire

En France, les données du Centre national de référence (CNR) du paludisme montrent une baisse de l’incidence du paludisme d’importation, au pro rata de celle du paludisme mondial. Néanmoins, il reste la première maladie tropicale d’importation. On estime qu’il y a environ 500 cas pédiatriques chaque année, dont 7 % de formes graves (1). La prévention du paludisme comporte toujours la protection contre les piqûres de moustiques et une chimioprophylaxie si le risque le justifie.

Afin de faciliter la transmission des conseils de prévention chez l’enfant, le Groupe de pédiatrie tropicale de la Société française de pédiatrie a rédigé des fiches à destination des médecins et des familles ainsi que des ordonnances de répulsifs et de chimioprophylaxie adaptées à l’âge et au poids. Ces documents sont consultables et téléchargeables gratuitement sur le site du GPTrop (2) et dans le module « Enfant voyageur » de l’application « Trousseau de poche » (3).

Éviter les piqûres

Avant le voyage, le médecin se devra d’insister sur la gravité et la rapidité d’évolution du paludisme, surtout chez le jeune enfant. Il est de son ressort de convaincre les familles voyageuses de l’observance des mesures de prévention contre les piqûres de moustique et qu’il ne faut emmener un enfant en zone impaludée qu’en cas d’absolue nécessité.

Les anophèles piquent dès la tombée du jour jusqu’au lever du soleil. La prévention repose sur l’utilisation d’une moustiquaire imprégnée d’insecticides pyréthrinoïdes, le port de vêtements légers, amples et couvrants et l’application de répulsifs cutanés. Les moustiquaires imprégnées doivent être non trouées, bordées sous le matelas ou touchant le sol. L’efficacité de l’imprégnation est d’environ six mois, avec possibilité de les imprégner à nouveau. Certaines sont à longue durée d’action (> 3 ans). La toxicité de l’insecticide déposé sur les moustiquaires est nulle. Elles peuvent être utilisées dès la naissance. Il en existe également à adapter sur les poussettes.

L’application de répulsifs sur la peau de l’enfant dès le crépuscule éloigne les moustiques sans les tuer. Quatre produits sont efficaces, pendant au moins six heures s’ils sont utilisés à des concentrations suffisantes : le diéthyltoluamide (DEET) à une concentration de 30 à 50 % ; l’icaridine (ou picaridine), l’éthyl-butyl-acétyl-amino-proprionat (IR 3535) et le p-menthane-3,8-diol (ou citriodiol) à une concentration supérieure à 20 %. Le choix et la concentration des produits sont fonction de l’âge (lire tableau 1).

On ne dispose pas d’étude d’efficacité chez l’enfant. L’absorption cutanée de ces produits est variable et leur toxicité n’a jamais été étudiée. Il faut empêcher les enfants de les manipuler. Avant l’âge de l’adolescence, le répulsif doit être appliqué par un adulte, sur la plus petite surface de peau découverte sans enduire le visage, les mains et les zones de peau lésée ; et il faut laver les zones de peau enduites avant de dormir sous la moustiquaire. En cas d’exposition solaire, la crème solaire doit être appliquée au moins 20 minutes avant le répulsif pour éviter une baisse d’efficacité.

Les mesures domiciliaires (climatisation, ventilation, moustiquaires aux fenêtres, rideaux imprégnés) sont des mesures d’appoint, qui ne remplacent pas la protection personnelle. Les diffuseurs d’insecticides électriques doivent être placés à distance d’un enfant asthmatique ou du lit d’un nourrisson et les serpentins fumigènes uniquement à l’extérieur. Depuis 2022, en raison de leur risque de toxicité individuelle et environnementale et de l’absence de preuve de leur efficacité, l’imprégnation des vêtements par des insecticides n’est plus recommandée.

Chimioprophylaxie

La prescription d’une chimioprophylaxie doit tenir compte des antécédents, de la région visitée, des conditions du voyage et d’accès aux soins et du niveau socio-économique de la famille (4). Chaque année le Bulletin épidémiologique hebdomadaire édite les indications recommandées pour chaque pays (5). Les posologies des traitements disponibles chez l’enfant sont résumées dans le tableau 2.

Il est impératif de prévenir que l’utilisation des plantes du genre Artemisia sous la forme de tisanes ou de gélules dans la prévention du paludisme n’est pas autorisée et doit être proscrite. Le CNR du paludisme rapporte un usage détourné comme prophylaxie antipaludique croissante chez les voyageurs (1, 5). Non seulement ces formes sont inefficaces, leur innocuité n’est pas établie chez l’enfant, mais elles entraînent, en raison de fausses croyances, un retard à la prise en charge avec une évolution vers un paludisme grave en augmentation chaque année.

À noter, le traitement de réserve n’est pas recommandé chez l’enfant.

Renforcer l’information aux familles

Enfin il faut informer toutes les familles voyageuses du risque d’accès palustre dans les deux mois suivant le retour de la zone d’endémie (4). Le retard diagnostique est encore fréquent, et pour la moitié imputable au médecin : famille non informée du risque, question du voyage non posée et frottis non prescrit. Toute fièvre ou notion de « corps chaud », quels que soient les symptômes associés, nécessite une consultation en urgence et une recherche de Plasmodium (3).

Il n’existe actuellement pas de vaccin en prévention du paludisme pour le voyageur. Dans le but de tendre vers une éradication en zone d’endémie de P. falciparum, des essais sont en cours de développement chez l’enfant afin de mesurer l’efficacité dans le temps avant de les recommander à large échelle, en complément des autres mesures de lutte contre le paludisme.

Exergue : Les tisanes ou gélules d’Artemisia doivent être proscrites

Dr Nathalie de Suremain* et Pr Albert Faye**

* Secrétaire du Groupe de pédiatrie tropicale, pédiatre aux urgences de l’hôpital A. Trousseau, Ap-Hp, Paris 

** Président du Groupe de pédiatrie tropicale, chef de service de pédiatrie générale de l’hôpital R. Debré, Ap-Hp, Paris  

(1) CNRpalu : rapport annuel d’activité

(2) gpt.sfpediatrie.com

(3) Application téléchargeable www.trousseaudepoche.fr

(4) Leblanc C. et al. Management and prevention of imported malaria in children. Update of the French guidelines. Med Mal Infect.2020 Mar;50(2):127-40

(5) Recommandations sanitaires pour les voyageurs, 2022. BEH Hors-série, 2 juin 2022

Sandrine Visentin*, Gérard Michel**, Brice Fresneau**, ***

Source : Bilan Spécialiste