Comment faire co-exister la volonté de certains parents de ne pas divulguer le diagnostic et le pronostic d’une maladie à leur enfant avec l’obligation de dire la vérité aux patients ? En illustrant avec cinq exemples (ostéosarcome, cardiomyopathie ou maladie de Duchêne…) les Drs Sara Taub et Robert Macauley auteurs du rapport de l’AAP publié dans la revue Pediatrics (1), font une analyse de l’évolution historique des liens médecins-patients. Le premier code d’éthique de l’American Medical Association (AMA) édité en 1847 précisait qu’« un médecin ne devrait pas s’empresser de faire de sombres pronostics… Le médecin doit être le ministre de l’espoir et du réconfort des malades ». Les choses ont heureusement changé depuis cette époque paternaliste : « l’honnêteté » est officiellement devenue partie intégrante du code d’éthique de l’AMA en 1980.
Mais en raison de l’autorité légale des parents, cette mesure ne s’appliquait pas aux enfants et aux adolescents. Au cours des décennies qui ont suivi, l’accent a été de plus en plus mis sur la participation des enfants aux soins et aux décisions qui les entourent.
Difficile et source de fantasmes
La non-divulgation d’informations médicales n’est ni simple ni facile. Les conversations franches doivent avoir lieu en dehors de la présence de l'enfant. L’équilibre délicat consistant à expliquer sans nommer s’accompagne de la possibilité très réelle qu’à tout moment, un parent, un professionnel de la santé ou une autre personne au courant puisse involontairement divulguer des informations précédemment cachées. Sans divulgation, à mesure que les enfants entendent les conversations autour d'eux, ils glanent des informations partielles et peuvent tisser des histoires plus effrayantes que la réalité. Et ce d’autant plus que l’accès aux réseaux sociaux amplifie les fantasmes autour de la maladie.
Approche ouverte
Où en est-on aujourd’hui ? Pour les Drs Taub et Macauley, « plutôt que de supprimer l'espoir, comme certains pourraient le craindre, une approche ouverte peut créer un espace permettant aux enfants de poser leurs questions, de partager leurs préoccupations et de se fixer des objectifs adaptés aux circonstances ». Ils proposent des conseils dans un « domaine où il y en a très peu ». Puisque mentir aux patients ne devrait pas être négociable pour tout médecin, il peut être utile de parler d'abord avec les parents afin de définir un terrain d’entente et avant de répondre aux questions d'un patient curieux, puis de réunir toutes les parties pour une discussion.
Le rapport propose des solutions pratiques qui, bien sûr, ne peuvent pas permettre de répondre à toutes les situations. Par exemple, si les parents demandent la non-divulgation, la première réponse devrait être de chercher à comprendre pourquoi ils préfèrent cette position. Les membres de l'équipe soignante doivent également expliquer leur position aux parents. Autre cas, s'il n'y a pas de consensus sur la divulgation, il est important d'établir ce que chaque partie estime être l'information minimale qui devrait être partagée. Les auteurs recommandent que les conversations avec la famille soient documentées dans le dossier médical et qu’en cas de désaccord entre l’équipe soignante et les parents, un recours au Comité d’éthique hospitalier, aux médiateurs ou défenseurs des patients soit envisagé.
En France, ce sujet n’est pas clairement exposé au sein de la Société française de pédiatrie : tout au plus sur le site on peut voir dans une citation du Rapport sur le parcours de soins des enfants atteints de maladie chronique (2) des détails sur l’annonce aux parents et une ligne destinée au jeune malade « il faut également prévoir de répéter « l’annonce » à l’enfant en fonction de son degré de maturité ».
(1) Taub S, Macauley R. Responding to Parental Requests for Nondisclosure to Patients of Diagnostic and Prognostic Information in the Setting of Serious Disease. Pediatrics (2023) 152 (4): e2023063754.https://doi.org/10.1542/peds.2023-063754
(2) Parcours de soins des enfants atteints de maladies chroniques
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