L’infectiologie toujours au cœur des préoccupations

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Publié le 23/06/2023
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La prévention et la prise en charge des maladies infectieuses motivent une part importante des consultations chez l’enfant, et de nombreuses sessions du congrès de la Société française de pédiatrie y étaient consacrées. Focus sur les maladies tropicales négligées, dont les cas importés sont en augmentation avec les mouvements de populations, et sur la prévention vaccinale des infections invasives à pneumocoque, Hæmophilus et méningocoques.
Le Covid a été sans effet sur le portage oropharyngé du pneumocoque, ni ses sérotypes

Le Covid a été sans effet sur le portage oropharyngé du pneumocoque, ni ses sérotypes
Crédit photo : VOISIN/PHANIE

Le concept de maladies tropicales négligées (MTN) est né au début des années 2000, et a conduit à la mise en place d’un fonds mondial en 2002, destiné essentiellement à la prévention, au contrôle et à l’élimination de la tuberculose, du paludisme et du VIH/sida. Actuellement, l’organisation mondiale de la santé reconnaît 20 affections (bientôt 21, avec l’intégration attendue du Noma, stomatite gangréneuse) rentrant dans le cadre des MTN, qui touchent plus d’un milliard et demi de personnes dans les communautés les plus pauvres. Ces maladies peuvent être dues à des virus, des bactéries, des parasites, des champignons ou des toxines.

Compte tenu des mouvements de populations actuels, les cas de MTN importées, même s’ils restent globalement faibles, sont en augmentation. Les praticiens doivent savoir les évoquer ou les rechercher, chez un nouveau-né (transmission mère-enfant), un enfant ou un adulte, primo-arrivant ou voyageur (touriste, expatrié).

Dépistage des formes asymptomatiques

Chez le nouveau-né asymptomatique, un dépistage ciblé est réalisé en cas d’infection maternelle identifiée au cours de la grossesse ou du péripartum, exception faite de la maladie de Chagas, pour laquelle le dépistage est systématique chez les nouveau-nés de mère à risque (notamment : antécédent de la maladie, femme originaire d’Amérique centrale ou du Sud). En Europe, c’est l’Espagne qui est le pays le plus concerné. En France, l’incidence de la maladie de Chagas congénitale est estimée à 1 à 2/1 000, asymptomatique dans 90 % des cas. Le dépistage se fait essentiellement par PCR sur sang de cordon.

Chez l’enfant asymptomatique, il n’y a pas de dépistage systématique des MTN au retour d’un voyage ou d’une expatriation, mais on le réalise de façon ciblée en cas d’exposition. Chez l’enfant asymptomatique primo-arrivant (migrant, enfant adopté), une NFS avec plaquettes, un examen parasitologique des selles et une bandelette urinaire sont réalisées de façon systématique pour le dépistage des infections à helminthes, complétés, en fonction du pays d’origine et des pays traversés, de sérologies (schistosomoses, filarioses, anguillulose). Les taux de parasitoses intestinales sont de 20 à 35 % chez les enfants migrants et de 13 à 45 % chez les enfants adoptés. L’anguillulose concerne 28 % des enfants migrants (de 0 à 2 % des adoptés), tandis que les schistosomoses touchent de 7 à 60 % des enfants migrants (0 % des adoptés), selon des chiffres récents.

Des signes d’appel variés

À côté des formes asymptomatiques, les enfants peuvent présenter des signes cliniques, notamment de la fièvre.

Après avoir éliminé le paludisme, une arbovirose doit être suspectée chez un enfant fébrile venant d’Asie, d’Amérique latine ou d’Afrique, en particulier si la fièvre est associée à un syndrome grippal, une éruption cutanée ou en cas de complications (viscérales, hémorragies, choc). Le diagnostic se fonde sur la NFS-plaquettes, la recherche de l’antigène NS1 (dengue), des PCR et sérologies.

Une géohelminthiase (phase d’invasion) ou une schistosomose (phase d’invasion) doit être suspectée chez un enfant venant d’Afrique, d’Asie ou d’Amérique latine en cas de fièvre associée à un prurit, une urticaire ou un syndrome de Loeffler. Une fièvre associée à une altération de l’état général, une hépatosplénomégalie, des adénopathies, une pancytopénie chez un enfant arrivant d’Asie (Inde), d’Afrique (du Nord) ou d’Amérique latine doit faire rechercher une leishmaniose viscérale. NFS-plaquettes, sérologies et PCR sont à la base du diagnostic. Enfin, une trypanosomose humaine africaine (THA, ou maladie du sommeil) doit être évoquée chez un enfant fébrile venant d’Afrique centrale ou de l’Ouest et présentant des adénopathies, une éruption cutanée, un ictère, une hépatosplénomégalie ou une méningo-encéphalite. Les cas importés chez l’enfant sont rares (un seul enfant en France sur les 26 cas importés décrits entre 1980 et 2002). À noter une avancée majeure récente : un traitement minute de la THA, disponible depuis 2022.

Autres signes d’appel fréquents en pédiatrie : les troubles digestifs, à type de douleurs ou de troubles du transit. Il faut alors savoir évoquer une géohelminthiase à la phase d’état chez un enfant arrivant d’Afrique, d’Asie, d’Amérique centrale mais aussi d’Europe centrale et de l’est en cas d’occlusion ou de cholangite (ascaris), de duodénite ou d’anémie (ankylostome). Une schistosomose intestinale doit être recherchée en cas d’hépatomégalie ou d’hématémèse.

Certaines dermatoses peuvent aussi orienter vers une affection parasitaire (urticaire, larva currens, œdème de Calabar, papules prurigineuses chroniques, lymphœdème, lésion croûteuse persistante, ulcération chronique), une MTN liée à une bactérie ou un champignon (ulcère chronique, plaque dyschromique avec troubles de la sensibilité) ou une arbovirose (exanthème, lésions vésiculobulleuses ou purpuriques). Plus rarement, une MTN peut se manifester chez l’enfant par des signes neurologiques ou pulmonaires.

Vaccinations, une adaptation permanente

En matière de vaccination, rien n’est jamais gagné, il faut sans cesse s’adapter à l’évolution de l’épidémiologie bactérienne, qui fait l’objet d’un suivi permanent.

En France, on a assisté à une chute drastique des infections invasives à pneumocoque après l’introduction du vaccin à 13 valences en 2010. Une cassure de l’incidence de ces infections a aussi été observée au moment de l’épidémie de Covid-19, mais cette dernière a été sans effet sur le portage oropharyngé du pneumocoque, ce qui reste mal expliqué, ni sur la distribution des sérotypes. Un phénomène de remplacement sérotypique est observé depuis quelques années, qui ne remet pas en cause la place de la vaccination, mais implique de poursuivre la surveillance épidémiologique. Chez l’enfant de moins de deux ans, on constate une émergence des 24F, 10A et 8. Chez l’enfant de deux à cinq ans, les cas de méningites à pneumocoques sont devenus rares, un peu moins chez ceux de cinq à treize ans, où trois sérotypes prédominent (21, 11A et 35B). Le vaccin à 20 valences, qui pour l’instant bénéficie d’une AMM européenne chez l’adulte, apporte un gain significatif en matière de couverture sérotypique.

La sensibilité aux antibiotiques des pneumocoques responsables des cas de méningites est également suivie de façon étroite, d’autant que, dans un contexte de forte consommation d’antibiotiques en médecine ambulatoire, on observe une baisse de la sensibilité au céfotaxime des souches isolées dans les méningites.

On assiste aussi, depuis 2018, à une augmentation des infections invasives à Hæmophilus influenzae b chez les enfants de moins de cinq ans, majoritairement des échecs vaccinaux. Une hausse qui n’apparaît liée ni à une baisse des couvertures vaccinales, ni à l’émergence de nouvelles souches bactériennes, mais qui fait poser la question de la pertinence du schéma vaccinal actuel.

Enfin, après une baisse lors de l’épidémie de Covid-19, une forte reprise des cas d’infections invasives à méningocoques a été constatée en 2022, principalement liées aux sérogroupes B. La vaccination contre les infections invasives à méningocoque B, efficace et bien tolérée, est recommandée depuis 2022 chez tous les nourrissons de moins de deux ans.

Exergue : Un traitement minute de la trypanosomose humaine africaine est disponible depuis 2022

Communications des Drs Patrick Imbert (Annecy) Emmanuelle Varon (Créteil) et Hervé Haas (Monaco)

Dr Isabelle Hoppenot

Source : Le Quotidien du médecin