La situation périnatale ne s’est guère améliorée en France : elle a même continué à se dégrader par rapport à l’an dernier, ce qui place la France dans une mauvaise direction par rapport au reste de l’Europe – notamment de l’Europe du Nord –, où la mortalité infantile continue à baisser.
Emmanuel Todd, anthropologue français qui avait prédit la fin de l’Union soviétique avec une quinzaine d’années d’avance, écrivait à ce propos, dans les années 1990 : « L’existence d’une crise irréversible découlait pour l’essentiel de l’analyse démographique, et peut-être au fond de l’évolution étonnante d’une seule variable : le taux de mortalité infantile ».
Réformer les petites maternités
La mortalité infantile est donc un indicateur majeur de notre système de santé. Or, de 2015 à 2017, la France, en comparaison avec cinq autres pays européens, a de moins bons résultats sur les prématurés de moins de 28 SA, ainsi que sur les bébés nés à terme à bas risque (la différence observée est plus faible mais concerne bien plus de nouveau-nés), selon les travaux de Jennifer Zeitlin, épidémiologiste chercheuse dans l'Équipe de recherche en épidémiologie obstétricale, périnatale et pédiatrique (Épopé) de l’Inserm, à Paris (dirigée par le Pr Pierre-Yves Ancel).
« Si, dans le haut risque, c’est le manque de lits en réanimation néonatale et le manque de personnel infirmier qui pose problème, dans le bas risque, c’est l’organisation de l’offre de soins périnatale qui est en cause. Les politiques sont terrorisés à l’idée de réformer les petites maternités, sujet politiquement sensible, prévient le Pr Jean-Christophe Rozé, président de la Société française de néonatalogie. En Finlande, on compte 22 maternités pour 50 000 naissances. Rapporté au nombre de naissances en France, cela reviendrait à 340 maternités sur notre territoire. Et à 265 par rapport à la Suède, qui en compte 37 pour 110 000 naissances. »
Un changement inexorable
Une évolution vers les modèles finlandais ou suédois est inéluctable et mieux vaudrait l’anticiper. « Deux enquêtes, l’une à l’initiative du Collège national des gynécologues et obstétriciens français et l’autre de la Société française de néonatalogie, montrent que les jeunes obstétriciens ne veulent pas faire plus de cinq gardes par mois, pas plus d’un week-end par mois, ce qui nécessite de travailler avec des équipes de dix (en obstétrique mais aussi en anesthésie et en pédiatrie) et donc, dans de grosses maternités. Ce changement est inexorable, même si la population n’est pas prête à l’entendre, insiste le Pr Rozé, citant pour exemple les îles françaises de l’Atlantique. Plus de 15 000 personnes y résident, sans maternité, et on n’en entend jamais parler, tout simplement parce que, culturellement, les femmes enceintes de ces zones se rapprochent de leur lieu d’accouchement avant le terme, preuve que l’absence de maternité à proximité n’est pas un problème. »
Les petites maternités pourraient être réutilisées en centre de périnatalité, permettant le suivi de grossesse et le post-partum, mais pas la période critique de l’accouchement. Cela nécessite de travailler sur le transport et la possibilité de loger dans des hôtels à proximité de la maternité à l’approche de l’accouchement et de donner des moyens humains au centre de référence amené à récupérer ces femmes venues juste pour accoucher. « En Suède, cette restructuration a été anticipée et construite, avec un très bon accueil humain de ces femmes. En France, du fait de la situation bloquée, on en est très loin », déplore le Pr Rozé.
Pas assez de lits de réanimation
Les enquêtes réalisées par la Société française de néonatalogie au cours de ces dernières années montrent que le nombre de lits de réanimation néonatale est insuffisant. Mais cela n’empêche pas les enfants d’arriver ! Ils se retrouvent donc en soins intensifs, où l’encadrement infirmier est moindre. « Une étude de charge en soins des infirmiers diplômés d'État (IDE) montre que, par rapport au ratio préconisé par les Québécois, sur une semaine, nos IDE ont 25 % de charges en soins supplémentaires, ce qui explique le burn-out, le turn-over, et donc la nécessité de former toujours plus d’IDE dans nos services, avec des temps de formation réduits », déplore le Pr Rozé.
Selon une étude réalisée sur 19 semaines par Santé publique France, sur 20 % du temps, le taux de remplissage des services de néonatalogie est supérieur à 100 %. « Au lieu d'avoir un IDE pour un ou deux patients, le ratio est de trois. Or, si l’encadrement infirmier est insuffisant, la mortalité et la morbidité augmentent. En effet, le nombre de soins prescrits et non faits augmente, ainsi que le nombre d’infections nosocomiales et le temps passé en dehors de la cible en oxygène. La Direction générale de l’offre de soins (DGOS) a promis d’ouvrir les négociations pour les décrets en néonatalogie, ce qui permet d’espérer un changement », tempère le Pr Rozé.
Une autre réforme, en cours, du financement des soins critiques pourrait permettre de corriger ces anomalies. Actuellement, une journée de soins critiques est financée à hauteur de 2 100 euros chez l’adulte, contre 1 990 euros chez l’enfant, et seulement 1 340 euros chez le nouveau-né, « ce qui est totalement incompréhensible au vu des gros besoins en infirmiers », note le spécialiste. Cela laisse des marges d’amélioration.
Entretien avec le Pr Jean-Christophe Rozé, président de la Société française de néonatalogie
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?