Bientôt aux urgences pédiatriques

Un test sanguin pour trier les traumatismes crâniens modérés de l’enfant

Publié le 29/05/2012
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Crédit photo : AFP

LE PROBLÈME NE SE POSE vraiment que pour les cas « entre-deux ». Ni graves, ni bénins, les traumatismes crâniens (TC) modérés sont difficiles à évaluer chez l’enfant, plus encore que chez l’adulte. Les urgentistes pédiatriques pourraient disposer dans un futur proche d’un outil diagnostique fiable et simple pour décider du retour à domicile de leurs petits patients sans les irradier inutilement. « La protéine S100 bêta a une valeur prédictive négative de 100 %, explique le Pr Vincent Sapin, l’auteur principal d’une étude ayant testé le marqueur aux urgences pédiatriques et médecin biologiste au CHU de Clermont-Ferrand. Cela signifie qu’en cas de dosage sanguin normal, la probabilité que l’évolution soit défavorable est nulle. On peut alors laisser rentrer les enfants tout à fait rassurés. Pas besoin de TDM cérébral, ni de les surveiller en hospitalisation. »

Un dosage dans les trois heures

L’intérêt de la protéine S100 bêta a déjà été démontré chez l’adulte dans une étude française dirigée par Emmanuel Lagarde (INSERM U897) et Régis Ribereau-Gayon (CH de Bordeaux). Après avoir déterminé préalablement en 2011 les valeurs normales du marqueur chez les 0-3 ans, l’équipe de Clermont-Ferrrand présente demain à Paris, à l’occasion du congrès de la Société française de médecine d’urgence, les premiers résultats obtenus en pédiatrie. Ont été inclus dans leur étude 446 enfants âgés de 0 à 16 ans venus consulter pour TC modérés aux urgences pédiatriques de la ville. L’âge se situait en médiane autour de 3 ans, la moyenne étant de 5 ans, et parmi les traumatismes les plus classiques, on compte les chutes de leur hauteur, de la table à langer, dans les escaliers ou les accidents lors d’activités sportives.

Les TC sont la première cause de décès chez les enfants. Entre 75 à 97 % des morts traumatiques chez eux seraient dues à des TC. En pédiatrie, la prise en charge des TC est plus délicate du fait d’une communication aléatoire avec les tout-petits et de la gestion de l’anxiété parentale. En cas de TC modéré, les urgentistes disposent de deux stratégies possibles : réaliser un TDM cérébral ou surveiller pendant au moins douze heures en hospitalisation. Il existe un intérêt fort à disposer d’un marqueur sanguin permettant de sélectionner les TC modérés à risque de réelles lésions cérébrales.

Automates existants.

Le taux de la protéine S100 bêta augmente significativement dans le sang après un stress cérébral important. « Pour être interprétable, le dosage doit être réalisé dans les trois heures suivant le TC, précise le Pr Sapin. Ce qui est tout à fait envisageable en pratique. La durée moyenne de la prise en charge est de 2 heures et 5 minutes et le TDM cérébral est réalisé en moyenne dans les six heures» La norme de la protéine S100 bêta se situe à 0,18-0,19 microgramme/l chez l’enfant, versus 0,12 chez l’adulte. En comparant les dosages obtenus aux données du suivi (TDM, évolution clinique), les chercheurs ont pu constater que la sensibilité du test est de 100 %. Tous les enfants présentant une évolution défavorable au bout de 24 heures d’hospitalisation et/ou ayant un scanner anormal avaient un dosage de la protéine supérieur à la normale.

Avantage fort de la technique, elle ne nécessite pas d’acquérir d’automate spécifique supplémentaire. « C’est une technique classique de biologie, utilisée par exemple pour doser la troponine, la NT-BNP ou certaines hormones, explique le médecin biologiste. Le seul investissement, ce sont les réactifs déjà disponibles sous forme de kits par plusieurs firmes ». Avant la diffusion nationale de la technologie en milieu pédiatrique, l’équipe s’est fixé l’objectif de valider ces résultats dans une étude multicentrique, d’ores et déjà lancée en France, afin de publier des recommandations précises. « L’utilisation de la protéine S100 bêta devrait se faire dans un avenir proche, estime le Pr Sapin. C’est probablement l’affaire de quelques mois»

Clinical Chemistry, publié le 23 avril 2012. doi:10.1373/clinchem.2011.180828

 Dr IRÈNE DROGOU

Source : Le Quotidien du Médecin: 9132