« L’affaire du sang contaminé, puis celle de la vache folle, ont marqué les esprits au point que la logique était plutôt de transfuser le moins possible, sauf nécessité absolue. Cela a abouti à un taux de transfusion par habitant en France, parmi les plus bas des pays développés, une perspective différente de la surtransfusion fréquemment décrite dans la presse médicale internationale, insiste le Pr Ausset. Puis il a été montré que le risque lié à l’absence ou au retard de transfusion dans la phase péri-opératoire, était bien plus considérable que celui lié à la transfusion elle-même. On a alors noté un regain de transfusion qui est passé de 2 millions d’unités à la fin des années 1990 (3 millions en 1989) à 2,5 millions d’unités en 2012. En outre, le vieillissement de la population, et donc les besoins accrus en transfusion, peut expliquer ces chiffres en hausse ».
Un bénéfice pour quels seuils ?
La notion de seuil transfusionnel est primordiale. Il n’a jamais été mis en évidence de bénéfice à corriger des anémies à plus de 10 g/l d’hémoglobine (Hb). À l’inverse, un risque de surmortalité est constaté pour les anémies non corrigées en dessous de 7 g/l d’Hb. Ces données méritant d’être affinées, un groupe d’experts, à la demande de la HAS, s’est appuyé sur des études de cohorte, des études randomisées contrôlées et l’analyse de la mortalité péri-opératoire en relation avec l’anémie.
« Si l’on accepte l’idée qu’un seuil de 7 g/l d’hémoglobine en péri-opératoire, est tout à fait raisonnable chez une personne en bonne santé dont les pertes sanguines ne dépassent pas 500 ml, le groupe de travail que nous avons formé avec la HAS a montré qu’il existait plusieurs exceptions : un syndrome coronarien aigu ou un infarctus du myocarde, des signes de mauvaise tolérance de l’anémie et enfin, des comorbidités en postopératoire de chirurgie entraînant des pertes sanguines supérieures à 500 ml. Sur la foi d’analyses de cohortes, pour ces patients, il semble raisonnable de fixer le seuil à 10 g/l. D’autres exceptions ont été également trouvées, comme les patients traités par bêtabloquants qui justifieraient aussi d’un seuil à 10 g/l d’Hb », poursuit le Pr Ausset.
Gare au retard transfusionnel
Le retard transfusionnel est un vrai problème qui s’explique par le fait que les instruments de vigilance sont surtout conçus pour évaluer les effets secondaires d’une thérapie et non les risques à ne pas traiter. Or la première cause de mortalité imputable à la chirurgie est la mauvaise gestion des pertes sanguines qui peut conduire à un infarctus fatal dans les deux à quatre jours suivant une chirurgie orthopédique chez un patient âgé anémié. « Les praticiens partagent ce sentiment en majorité et sont donc rassurés par ces nouvelles recommandations », conclut le Pr Ausset.
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