Pour la première fois, une équipe franco-chinoise a mis en évidence les mécanismes cellulaires à l’origine des fibromes pulmonaires, lors de l’inhalation de nanofibres de verre. Le potentiel pathogène de ces matériaux, tels que l’amiante, serait lié non pas à leur composition chimique mais à leurs caractéristiques géométriques et à leur dimension. Ces résultats ont été publiés dans Nature Nanotechnology le 3 janvier 2024.
Lorsqu’un corps étranger, tel qu’une nanofibre de verre, pénètre dans les alvéoles pulmonaires, les macrophages naturellement présents sur les tissus tentent de le phagocyter. Christian Amatore, co-auteur de cette étude et directeur de recherche émérite de classe exceptionnelle au CNRS, explique : « Si les fibres sont grandes, elles sont bloquées bien avant, dans les bronches, et remontent avec le mucus. Si elles sont petites, elles atteignent les alvéoles puis sont internalisées par les macrophages quand leur longueur est inférieure à la leur. Le problème se pose lorsque les fibres ont une taille intermédiaire, d’une quinzaine de microns ou plus par exemple, qui font deux fois ou trois fois la taille d’un macrophage mais peuvent arriver dans les alvéoles. Les macrophages essayent alors de les phagocyter, mais ils restent coincés comme on le voit sur l’image (voir plus haut, NDLR) ». Les macrophages « ne réussissent pas à se distendre suffisamment pour totalement les encapsuler à l’intérieur de leur vésicule digestive », décrit un communiqué de presse du CNRS. On parle alors de phagocytose frustrée. D’autre part, puisque les nanofibres de verre sont inertes, elles sont trop stables pour se dégrader progressivement en morceaux comme font les bacilles (bactéries en forme de bâtonnet).
Une fuite de sécrétions en continu
Or, ces tentatives infructueuses de digestion des fibres « engendrent des fuites de sécrétions », mises pour la première fois en évidence dans cette étude par des expériences de co-culture in vitro et confirmées au niveau in vivo. Ces fuites concernent des espèces réactives de l’oxygène et de l’azote, dont les flux ont pu être caractérisés grâce à des nanocapteurs électrochimiques « avec de fortes résolutions spatiotemporelle et chimique », précise l’article publié dans Nature Nanotechnology.
« S’il y a des fibres qui arrivent sans cesse, les macrophages sont constamment sollicités et déversent en continu les espèces réactives sur la paroi alvéolaire », décrit Christian Amatore. Ce qui entraîne des dommages aux cellules périphériques, conduisant à une inflammation chronique et des lésions pulmonaires. L’étude s’est poursuivie par une phase d’expérimentation sur des rats, qui a permis de conclure qu’« une inhalation régulière et sans protection de nanomatériaux fibreux inertes analogues, quels qu’ils soient, génère des lésions pulmonaires à répétition pouvant mener à terme au développement de fibromes », termine le communiqué de presse du CNRS.
Des études précédentes avaient déjà montré le phénomène de phagocytose frustrée lors de l’inhalation de nanofibres inertes « mais le lien entre elle et le développement de fibrome n’avait pas pu être démontré autrement que par corrélation », précise Christian Amatore. Pour ce qui est des poussières d’amiante, les dangers pour la santé de leur inhalation sont connus depuis le début du siècle dernier, conduisant à interdire son usage en France en 1997. Néanmoins, les mécanismes cellulaires impliqués dans la fibrose pulmonaire provoquée par leur inhalation n’avaient jamais été observés avec une telle précision.
Christian Amatore nuance : « Je suis physico-chimiste, je ne pourrais pas dire les implications en termes de santé ou de prévention mais cela montre que toutes ces fibres doivent être encapsulées. Ce n’est pas un problème lié à la nature de la fibre mais à sa forme et sa géométrie ». Le chimiste met en garde contre l’ensemble des matériaux présentant ces caractéristiques, et pas uniquement l’amiante.
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