Le faux nez des bronches

Asthme, n'oubliez pas la rhinite !

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Publié le 23/01/2020
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Cela fait une quarantaine d'années que les liens entre rhinite et asthme sont connus et pourtant, cela débouche encore sur de nouvelles applications pratiques.
Les enfants atteints pourraient bénéficier d'un suivi moléculaire

Les enfants atteints pourraient bénéficier d'un suivi moléculaire
Crédit photo : phanie

C'est d'abord sur le plan épidémiologique que les liens entre nez et bronches ont été montrés : un tiers des personnes atteintes d'une rhinite allergique ont de l'asthme et au moins 80 % des asthmatiques ont une rhinite allergique. « De plus, la rhinite allergique exacerbe l'asthme et inversement. On sait désormais qu'il s'agit de rhinites particulières, aux pollens ou aux acariens par exemple (notamment des groupes 1 et 2). Le risque d'asthme est augmenté en cas de rhinite avec sensibilisation aux allergènes d'acariens du groupe 1 ou 2, et il est carrément décuplé en cas de sensibilisation aux deux groupes. Même s'il n'y a pas encore d'applications pratiques à ce jour, on peut très bien imaginer qu'à l'avenir, les enfants atteints de rhinite allergique bénéficient d'un suivi moléculaire. Ceux dont le risque d'être asthmatique est très augmenté pourraient alors être pris en charge plus précocement. C'est d'autant plus envisageable que ces dosages moléculaires se font déjà en pratique courante », précise le Pr Pascal Demoly, coordinateur du département pneumologie et allergologie au CHU Montpellier.

Un moyen de prévention primaire

L'épithélium respiratoire cilié est identique au niveau des voies aériennes supérieures et inférieures, avec une inflammation typique dans les maladies allergiques. Rechercher une rhinite en présence d'un asthme et la prendre en charge est rentré dans les mœurs, tout comme rechercher un asthme en cas de rhinite et le traiter. C'est important, faute de quoi, la rhinite ou l'asthme, non traités, aggravent l'autre affection. Un asthme traité de façon isolée (sans tenir compte de la rhinite) risque fort de devenir peu contrôlable.

Les allergologues considèrent d'ailleurs que la rhinite et l'asthme sont les deux pendants d'une même maladie. « D'un point de vue thérapeutique, même si on sait que les antihistaminiques peuvent aider au contrôle de l'asthme, ainsi que les corticoïdes locaux (par voie nasale), ils n'ont pas l'autorisation de mise sur le marché dans cette indication. Néanmoins, lorsqu'une rhinite allergique est ainsi traitée, l'asthme va mieux. Des études anciennes avaient d'ailleurs montré qu'un simple corticoïde nasal pouvait améliorer l'asthme ! C'est la preuve du concept que prendre en charge la rhinite, par quelque moyen que ce soit, améliore l'asthme. Et, lorsque les indications existent, l'immunothérapie allergénique permet de traiter les deux maladies », poursuit le Pr Demoly.

Faute de disposer d'études chez les rhinitiques qui ne sont pas encore asthmatiques pour démontrer que la désensibilisation peut les empêcher de développer un asthme, les bases de données de la Sécurité sociale ont fait l'objet d'une analyse rétrospective. Les rhinitiques désensibilisés ont été appariés à d'autres, ayant les mêmes critères. Ils ont été suivis durant plusieurs années afin de comptabiliser ceux qui demandaient un remboursement de médicaments de l'asthme et étaient donc devenus asthmatiques. Résultat : le risque de prescription d'un médicament de l'asthme, dans les trois à huit ans qui suivaient la désensibilisation, était divisé par deux.

Entretien avec le Pr Pascal Demoly, coordinateur du département pneumologie et allergologie, CHU Montpellier

Dr Nathalie Szapiro

Source : Le Quotidien du médecin