Comment le bacille De Koch (BK) fait-il pour induire l’infection dans toutes ces sortes de tissus ? Jusqu’à présent, la question restait entière. Aujourd’hui, un important travail de recherche mené par une équipe chinoise de l’université de Guangxi avance une réponse (1). Leurs travaux, publiés dans Tuberculosis, ont en effet mis en évidence que le gène SOSC1 — un gène associé à la ferroptose — est surexprimé lors du développement de la maladie et sous-exprimé lors de réponse au traitement. C’est donc peut-être en « surorientant » la mort cellulaire vers la ferroptose que le BK « fait son trou » chez certains sujets.
Une maladie toujours prévalente et parfois bien difficile à diagnostiquer
Selon l’OMS, près d’un quart de la population mondiale, soit 1,8 billion de personnes, sont porteuses ou infectées par le Mycobacterium tuberculosis ou BK. Parmi eux, environ un dixième a une tuberculose (maladie). Et, chaque année, 1,6 million en meurent. La tuberculose reste donc un important problème de santé publique au niveau mondial, malgré des avancées notamment en termes de traitement. Et ses présentations atypiques viennent encore compliquer la problématique.
« Pour mémoire, au-delà des poumons, des os... le BK peut attaquer de nombreux tissus/organes notamment la colonne vertébrale, les ganglions lymphatiques, le système génito-urinaire, la peau, les articulations et même les méninges. Ces sites, bien souvent inaccessibles, nécessitent fréquemment de mettre en œuvre des procédures invasives pour pouvoir poser le diagnostic. Il y a donc un besoin urgent de développer de nouvelles méthodes diagnostiques », rappellent les auteurs.
D’autant que ces sites compliqués à explorer, sont à l’origine d’importants retards diagnostiques, associés à un risque accru de diffusion du BK aux proches, à l’entourage ainsi qu’à un retard de prise en charge du patient.
Ferroptose et physiopathologie de la tuberculose : une intrication importante
La ferroptose est une forme particulière de mort cellulaire, différente de l’apoptose en ce qu’elle se déroule sans induction d’une perméabilisation de la membrane externe des mitochondries. Découverte initialement dans les cellules cancéreuses, on s’est aperçu depuis qu’elle était impliquée dans nombre de maladies à la fois non infectieuses (Nash, ostéoarthrite…) et infectieuses, notamment la tuberculose (2).
Dans l’infection à BK, la ferroptose joue en effet un rôle central dans la mort cellulaire et la nécrose tissulaire liés à la maladie (3). C’est même un cercle vicieux, dans la mesure où la mort cellulaire par ferroptose induit une immunogénicité et une activité pro-inflammatoire qui viennent ajouter de l’huile sur le feu.
Aujourd’hui, ce travail met en évidence que le gène SOSC1 (suppressor of cytokine signaling 1), associé à la ferroptose, pèse sur le développement — ou pas — de la tuberculose maladie chez les sujets infectés par le BK.
Au sein d’une base de données génétique (GEO en accès libre) les auteurs ont comparé — en aveugle comme dans toute analyse génétique — le génome de sujets tuberculeux à celui de sujets sains. Ils ont ainsi identifié des différences significatives portant sur le gène SOSC1, gène qui se trouve être impliqué dans le mécanisme de ferroptose. Les données mettent en évidence : une surexpression (upregulation) de SOSC1 chez les patients tuberculeux ; une sous-expression (downregulation) de SOSC1 après traitement antituberculeux. Cette sous-expression est significative dès la 4e semaine de traitement et s’accroît au fur à mesure, parallèlement à la durée du traitement antituberculeux.
Pour les auteurs, « ces résultats suggèrent que le gène SOSC1 lié à la ferroptose est étroitement associé au développement de la tuberculose maladie. De ce fait, il pourrait s’avérer utile pour le diagnostic mais aussi pour le suivi du traitement, dans la mesure c’est aussi un marqueur d’efficacité/résistance aux antituberculeux ». Cela reste néanmoins encore à prouver.
(1) T Ilang et al. Ferroptosis-related gene SOCS1, a marker for tuberculosis diagnosis and treatment, involves in macrophage polarization and facilitates bone destruction in tuberculosis. Tuberculosis 2022; 132:102140: 1-7. doi.org/10.1016/j.tube.2021.102140
(2) J Li et al. Ferroptosis : past, present and future. Cell Death Dis 2020;11(2):88
(3) EP Amaral EP et al. A major role for ferroptosis in Mycobacterium tuberculosis-induced cell death and tissue necrosis. J Exp Med 2019;216:556–70
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