La santé en librairie
AVOIR UNE MÈRE schizophrène : voilà une inégalité de chances longtemps tue et vécue dans la honte et la douleur par ces enfants. Pourtant, la littérature psychiatrique sur le sujet ne manque pas plus que les témoignages sur la toile : « Dépressive car ma mère est schizophrène, quelqu’un dans le même cas ? », demande une internaute. « Moi aussi ma mère est schizo », lui répond un autre jeune adulte, pour raconter son enfance chaotique, les délires maternels, les hospitalisations, la stigmatisation humiliante ( « C’est le fils ou la fille de la folle ») et les souffrances qui en résultent.
Ces témoignages issus de forums de discussions ou de blogs sur le Net ouvrent le livre ; ils illustrent bien la problématique et permettent, comme le souligne Benoît Bayle, de fournir des représentations précises pour comprendre les situations parfois dramatiques et toujours complexes que vivent les enfants de mères schizophrènes. Car la difficulté à laquelle ils sont exposés, la maladie mentale d’un de leurs parents, est aussi durable qu’incontournable et s’accompagne d’inégalités multiples, de l’inégalité du potentiel génétique à celle de leur environnement socio-affectif en passant par celle de leur vie quotidienne.
Les témoignages cités pointent les facteurs environnementaux qui résultent de la maladie, le chaos psycho-affectif, l’exposition à des carences diverses, les négligences voire les violences dont ces enfants sont ou ont été victimes et dont ils portent les séquelles toute leur vie. Ils soulignent aussi le poids, pour eux, du facteur identitaire, « l’inexorable humiliation d’être l’enfant d’une folle » les condamnant ainsi à la honte et au silence. La complexité de la schizophrénie, son impact sur le fonctionnement affectif, intellectuel et social des patients et de leur entourage, malgré les progrès thérapeutiques réalisés depuis quelques années, rendent indispensables l’accompagnement et le soutien psychologique, social et éducatif. A fortiori « lorsque l’enfant paraît et que la femme schizophrène devient mère », explique l’auteur.
L’intelligence du soin psychologique.
D’où l’importance, pour les soignants, les acteurs sociaux, les juristes, de penser la question de la schizophrénie et de la parentalité. De la penser d’un point de vue médical, psychologique, psychiatrique, psychosocial. L’ouvrage propose une synthèse des connaissances sur le sujet et explore divers aspects de l’accompagnement, de la prescription des psychotropes au cours de la grossesse à la discussion autour du placement en passant par le suivi en unité mère-enfant. Les diverses contributions montrent bien la nécessité d’une véritable intelligence du soin psychologique dans ces situations.
« Devant tant d’inégalités des chances, imposées par le sort, nous ne devons avoir d’autres recours qu’une authentique et généreuse solidarité », écrit Benoît Bayle en préambule. Ce livre s’emploie à nous en convaincre, en rappelant l’indispensable déstigmatisation de la maladie mentale en général et de la schizophrénie en particulier, qui touche près de 1 % de la population.
« Ma mère est schizophrène », sous la direction de Benoît Bayle, Erès, collection « La vie de l’enfant », 240 pages, 23 euros.
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