La kétamine aurait un effet cognitif précoce qui expliquerait ses effets antidépresseurs, démontre une étude clinique publiée dans la revue « Jama Psychiatry », et menée par des chercheurs de l’Inserm, du CNRS, de Sorbonne Université et des médecins l’Institut du Cerveau (AP-HP).
Les scientifiques ont testé ce traitement utilisé habituellement comme anesthésique (mais aussi expérimenté dans le trouble de stress post-traumatique), chez des patients atteints de dépression résistante d'intensité sévère. Pour rappel, on estime qu'un épisode dépressif caractérisé touche 5 à 15 % de Français au cours de leur vie, toutes tranches d'âge et tous milieux sociaux confondus. Environ un tiers des personnes souffrant de dépression ne répondent pas aux antidépresseurs les plus couramment prescrits, conduisant au diagnostic de dépression résistante au traitement (TRD). D'où l'importance de rechercher de nouveaux traitements.
Une action en quelques heures
La kétamine a montré un effet sur la dépression résistante, et ceci rapidement (quelques heures après l'administration), alors que les traitements antidépresseurs classiques mettent du temps avant d’agir (en moyenne trois semaines). Mais les mécanismes associés à cet effet antidépresseur d’action rapide sont encore méconnus.
Pour les mettre en lumière, le Dr Hugo Bottemanne et l’équipe de recherche codirigée à l’Institut du cerveau par le Pr Philippe Fossati et la Dr Liane Schmidt, chercheuse Inserm, ont comparé les réactions de 26 patients résistants aux antidépresseurs (TRD) à celles de 30 sujets contrôles, âgés de 34 à 68 ans (52 ans en moyenne), face à la probabilité de subir des drames dans leur vie.
Plus précisément, le protocole prévoit que les patients et sujets sains estiment, dans un premier temps, la probabilité de survenue dans leur vie de 40 évènements « négatifs » (par exemple, avoir un accident de voiture, être atteint d’un cancer, ou perdre son portefeuille).
Les deux groupes étaient ensuite informés des risques réels de la survenue de ces évènements en population générale, avant d'être interrogés à nouveau, pour savoir s'ils mettaient à jour leurs croyances, eu égard à ces informations. Seuls les sujets sains révisaient leurs croyances, pas les patients déprimés. Ce qui est cohérent avec la maladie, qui se caractérise par une tristesse et une perte des sensations hédoniques ; les patients déprimés développent des croyances négatives sur eux-mêmes, le monde et le futur, évoluant parfois vers des idées suicidaires, perdurant même face à des informations positives.
Diminution des symptômes et meilleure réception des expériences positives
Dans un second temps, les patients TRD ont reçu trois administrations de kétamine à une posologie subanesthésique (0,5 mg/kg en 40 minutes) en une semaine. Seulement quatre heures après la première administration, la capacité des patients à mettre à jour leurs croyances face à des informations positives était accrue. Ils devenaient moins sensibles aux informations négatives et retrouvaient une capacité à mettre à jour leurs connaissances comparables à celle des sujets témoins.
Par ailleurs, « plus la capacité de mise à jour des croyances des patients était augmentée, plus l’amélioration des symptômes dépressifs (mesurée sur la base du score sur l'échelle d'évaluation de la dépression de Montgomery-Åsberg, NDLR) était importante », observent les chercheurs, suggérant un lien entre les modifications de ce mécanisme cognitif et l'amélioration clinique, après une semaine de traitement à la kétamine.
« Ces travaux mettent pour la première fois en évidence un mécanisme cognitif potentiellement impliqué dans la temporalité d’action précoce de la kétamine. Ils ouvrent la voie vers de nouvelles recherches de thérapies antidépressives modulant les mécanismes de mise à jour des croyances », résume le communiqué de l'Inserm.
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