En psychiatrie, les comorbidités sont la norme, et non l'exception : plus de la moitié des patients souffrant d'un trouble psychiatrique se verront poser un deuxième ou troisième diagnostic psychiatrique au cours de leur vie. Près d'un tiers en recevront quatre ou plus.
Une étude soutenue par l'Institut national américain de la santé mentale (National Institute of Mental Health) et publiée dans « Nature Genetics », tente d'élucider les bases génétiques de ces observations, à l'aide d'outils de la génomique.
« Cette forte comorbidité au sein de sous-ensembles de troubles témoigne en partie d'un chevauchement des voies du risque génétique », résume l'auteur principal de l'étude, Andrew Grotzinger, professeur assistant au département de psychologie et de neurosciences de l'Université du Colorado (Boulder). Et de voir dans ce travail une première étape pour développer des traitements qui s'adresseraient à plusieurs troubles en même temps.
Onze pathologies analysées
Les chercheurs se sont appuyés sur les données disponibles d'études d'association pangénomique (Genome-Wide Association Study ou GWAS) de centaines de personnes qui ont soumis leur matériel génétique à des plateformes, telles que la UK Biobank ou le Psychiatric Genomics Consortium. Pour rappel, ces études visent à étudier les variations génétiques d'un grand nombre d'individus afin d'identifier celles qui sont associées à des traits spécifiques de la maladie. Ils ont aussi pris en compte des données relatives à des traits comportementaux, à l'activité circadienne, ou à la morphologie du cerveau.
Les scientifiques américains se sont intéressés à 11 troubles psychiatriques majeurs : la schizophrénie, les troubles bipolaires, la dépression sévère, l'anxiété, l'anorexie, les troubles obsessionnels compulsifs (TOC), le syndrome de la Tourette, le trouble de stress post-traumatique, l'usage problématique d'alcool, l'autisme et le trouble avec déficit de l'attention et/ou hyperactivité (TDAH).
Résultat : si aucun gène ou groupes de gènes ne semblent rendre compte d'un risque commun à tous ces troubles, ils ont identifié que plusieurs sous-ensembles de troubles partageaient une architecture génétique commune.
Des recoupements surprenants
C'est ainsi le cas de la schizophrénie et des troubles bipolaires (TB) ; 70 % du signal génétique associé à la schizophrénie le sont aussi aux TB. Un résultat surprenant, puisqu'il est rare que les médecins posent chez un même individu ces deux diagnostics, du moins, en suivant les nosographies actuelles. Autre exemple : l'anorexie et les TOC semblent partager leur architecture génétique ; idem pour les patients souffrant de troubles anxieux et de dépression sévère.
Les auteurs mettent aussi en évidence un lien entre les sous-ensembles de troubles et des gènes impliqués dans le mouvement. En analysant les données de l'accéléromètre, ils observent que les patients souffrant d'anxiété ou de dépression tendent à avoir une architecture génétique associée à un mouvement faible, alors que les patients avec TOC ou anorexie partagent un complexe génétique lié à une intensité forte de mouvement tout au long de la journée. Les psychotiques (schizophrénie, TB) auraient plutôt des gènes liés à un mouvement excessif concentré lors des premières heures du jour.
Ces résultats doivent inviter à revoir les diagnostics en psychiatrie, en s'appuyant davantage sur les données biologiques, concluent les auteurs. Pour les patients, qui prennent parfois plusieurs traitements différents, non sans effets secondaires, « nous espérons trouver des thérapies s'adressant à plusieurs troubles en même temps », explique le Dr Grotzinger. « Savoir qu'ils ne souffrent pas de plusieurs pathologies différentes, mais plutôt d'un ensemble de facteurs de risque, pourrait aussi leur apporter du réconfort », commente-t-il.
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