L’arthrite septique est rare. Son incidence annuelle est estimée entre 1 et 5 pour 100 000 et sa prévalence atteindrait environ 10 % devant un tableau d’arthrite aiguë envoyée aux urgences. Elle est cependant très redoutée des cliniciens. « C’est une véritable urgence avec 7 à 10 % de mortalité à trois mois et chez les patients âgés de plus de 80 ans, 25 % de décès à trois mois, souligne le Dr Guillaume Coiffier. Il ne faut donc pas passer à côté, car la surmortalité et le risque de séquelles fonctionnelles sont importants ».
Il est recommandé de réaliser une ponction articulaire avant toute antibiothérapie (sauf en cas de signe de gravité immédiat de sepsis) pour analyse cytobactériologique du liquide synovial. Cependant, seulement 80 % des arthrites septiques sont bactériologiquement documentées en raison d’un faible inoculum, de la présence de bactéries fragiles ou d’une antibiothérapie intempestive avant ponction articulaire. De plus, la culture bactériologique met en moyenne deux à trois jours pour devenir positive, ce qui peut retarder la mise en place d’une antibiothérapie adaptée. « C’est ainsi que nous avons essayé d’élaborer un score qui permettrait une meilleure orientation diagnostique, surtout plus rapide, afin de donner l’antibiothérapie à la bonne personne et au bon moment », ajoute le Dr Guillaume Coiffier.
Quatre marqueurs synoviaux retenus
Dans un premier temps, différentes variables cliniques et biologiques du liquide synovial, associées au diagnostic d’arthrite septique (selon les critères de Newman), ont été étudiées dans une cohorte (SYNOLACTATE, n = 233) d’arthrite aiguë (de moins de 30 jours). « Aucun paramètre clinique n’était associé de manière indépendante au diagnostic final d’arthrite septique. Après analyse multivariée, quatre variables biologiques du liquide synovial, indépendantes ont été retenues : liquide synovial purulent ou nombre de globules blancs ≥ 70 000/mm³, absence/présence de cristaux, taux du lactate et du glucose synovial », explique le Dr Guillaume Coiffier. Une valeur a été attribuée à chaque variable du score, selon la pondération basée sur leur rapport de vraisemblance pour le diagnostic d’arthrite septique (1). Un nouveau score prédictif nommé RESAS (REnnes Septic Arthritis Score) a ainsi été créé, oscillant entre - 4 et + 13 points (tableau 1). Les performances du score RESAS ont ensuite été testées sur la première cohorte (validation interne) puis vérifiées sur une seconde cohorte indépendante [n = 70] (validation externe) avec une haute probabilité d’arthrite septique pour un score RESAS ≥ 4 points.
RESAS + calprotectine, encore plus performant !
Une nouvelle étude de cohorte indépendante (SYNOLACTATE-PLUS, n = 208) d’arthrite aiguë (quatre jours [1,5-6,5] de durée médiane) a été récemment menée afin de valider les performances diagnostiques du RESAS (combinant les résultats cytologiques, cristaux, lactate et glucose du liquide synovial). Elle avait aussi pour objectif d’identifier d’autres marqueurs biochimiques pertinents (D-lactate, protides, CRP, calprotectine) pour le diagnostic rapide d’arthrite septique (2). En analyse multivariée, seuls le RESAS et la calprotectine (technique Diasorin) étaient des facteurs indépendants associés au diagnostic d’arthrite septique. Un RESAS ≥ 4 présentait une sensibilité de 51,6 % et une spécificité de 97,2 %. Un taux de calprotectine synoviale ≥ 500 ng/ml présentait une sensibilité de 93,6 % et une spécificité de 79,4 %.
« L’inclusion du dosage de calprotectine au RESAS améliore les performances diagnostiques, avec une valeur prédictive positive de 73 % (pour un RESAS ≥ 4 et une calprotectine ≥ 500 mg/l) et négative de 99 % (si RESAS < 4 et calprotectine < 500 mg/l) », conclut le Dr Coiffier.
Ainsi, un RESAS ≥ 4 points témoigne d'une forte probabilité d’arthrite septique et doit faire considérer la mise en place d’une antibiothérapie probabiliste dans l’attente des résultats bactériologiques. La calprotectine synoviale est un marqueur indépendant du RESAS dont les performances diagnostiques sont intéressantes avec, notamment une excellente valeur prédictive négative pour un seuil < 500 mg/l. Cependant, une harmonisation de la technique de dosage, permettant de rendre un résultat fiable quelle que soit la technique, est nécessaire pour son utilisation en pratique clinique quotidienne.
(1) Coiffier G. et al Elaboration of a new synovial predictive score of septic origin for acute arthritis on the native joint (RESAS). Rheumatology (Oxford). 2021 May 14;60(5):2238-2245.
(2) Boguenet A. et al. Intérêt du dosage de calprotectine synoviale associée au score RESAS dans l’arthrite aiguë pour orienter ou éliminer une arthrite septique : résultats de la cohorte SYNOLACTATE-PLUS. Revue du Rhumatisme vol 88 déc 2021, A35-A36.
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