Diagnostic des maladies osseuses rares

L’apport des nouvelles techniques de séquençage

Publié le 08/04/2022
Aujourd’hui, différentes techniques de séquençage novatrices peuvent être utilisées dans le diagnostic des maladies osseuses constitutionnelles (MOC) rares. Mais que permettent-elles exactement ?
Le séquençage de nouvelle génération a permis de rapides avancées dans la découverte de gènes

Le séquençage de nouvelle génération a permis de rapides avancées dans la découverte de gènes
Crédit photo : phanie

Ces dernières années, l’avènement du séquençage dit de nouvelle génération (NGS) a permis de rapides avancées dans la découverte de nouveaux gènes responsables de MOC. Ces pathologies, dont 456 sont recensées dans la littérature (1), constituent un groupe hétérogène de maladies génétiques, incluant des anomalies de taille, de densité osseuse, des malformations de membres ou encore des articulations. À ce jour, après de longues années de recherche basées sur la technique classique de Sanger et grâce à l’approche récente par NGS, un gène est associé à une MOC dans près de 97 % des cas. 

Le diagnostic par NGS

La technologie NGS est largement employée pour le diagnostic moléculaire des maladies constitutionnelles. Cependant, différents niveaux de séquençages sont à prescrire selon la pathologie. Pour un diagnostic moléculaire simple ou de confirmation, le séquençage haut débit à l’aide d’un panel de gènes est largement suffisant. En cas de diagnostic clinique évident tel que l’ostéogénèse imparfaite (OI) en présence de sclérotiques bleues, un panel incluant les gènes des collagènes, ou ceux responsables des OI les plus fréquentes, est assez exhaustif pour identifier des variants pathogènes. Le séquençage NGS est particulièrement adapté à l’analyse de grands gènes comportant un nombre conséquent d’exons, tels que les gènes des collagènes.

Les panels présentent l’avantage de cribler en peu de temps les gènes les plus fréquemment responsables de certaines MOC, comme les dysplasies épiphysaires ou l’arthrose juvénile précoce. Il est ainsi possible d’identifier des variants pathogènes, dans divers gènes à l’origine de phénotypes similaires, ou localisés dans des régions différentes d’un gène responsable de phénotypes distincts.

Cependant, les données cliniques et radiologiques d’une MOC peuvent parfois être difficiles à interpréter et le choix d’un panel de gènes devient complexe. Ces difficultés diagnostiques relèvent de causes multiples. Elles peuvent traduire une expérience limitée du clinicien dans le diagnostic des MOC. Il est donc fortement recommandé que les demandes d’analyses émanent d’un centre expert au sein d’un hôpital. Autre raison, le prescripteur fait face à un phénotype atypique lors d’une maladie caractérisée par des manifestations squelettiques, disparaissant à l’âge adulte ou n’apparaissant pas chez les jeunes. Le clinicien peut aussi se retrouver devant un diagnostic complexe englobant potentiellement plusieurs pathologies. Au cours de ces différentes situations, les panels de gènes proposés par les laboratoires spécialisés peuvent être inadaptés à la demande ou incomplets. 

Un séquençage complet

En cas de résultats non contributifs d’un ou plusieurs panels, les techniques de séquençage complet de l'exome (WES) ou du génome (WGS) peuvent être envisagées pour poser un diagnostic moléculaire. Mais elles sont très coûteuses, et détectent un nombre de variants trop élevé pour être appliquées en première intention dans les tests génétiques de routine. Elles nécessitent pour leur interprétation d’inclure le séquençage des apparentés (les parents généralement du cas index), en trio, afin de pouvoir déduire la pathogénicité des variants. Dans ce contexte, le dépistage d'un certain nombre de gènes via un séquençage ciblé par panel est une alternative incontournable en première intention, en raison de son coût relativement faible par rapport au WES et au WGS.

Le WGS présente l’avantage, comparé au WES, d’obtenir une couverture parfaite de tous les gènes (parties codantes et non codantes) et de détecter des variants structuraux (larges délétions ou duplications de gènes). Il est certes plus complet, mais le temps d’analyse nécessaire et son coût élevé ne permettent pas de le choisir préférentiellement au WES. Sa prescription est actuellement discutée et validée en réunions de concertation pluridisciplinaire.

En cas d’entités pathologiques pas encore établies ou partiellement comprises, le WGS est l’outil diagnostique le plus performant pour identifier de nouveaux gènes responsables d’une MOC non étiquetée. 

Étudier l’ARN, le transcriptome ou l’épigénome

Par ailleurs, chez certains patients atteints de MOC, le diagnostic semble évident mais l’étiologie moléculaire n’a pas été élucidée par le séquençage de l’ADN. D’autres approches NGS peuvent alors être envisagées, comme l’étude de l’ARN ou l’analyse du transcriptome, afin de révéler des mécanismes pathogéniques dans des régions introniques ou intergéniques de régulation des gènes. Une alternative, qui relève de la recherche, est l’étude de l’épigénome. Il s’agit de comprendre les modifications épigénétiques, induites par l'environnement, qui régulent l'expression des gènes. Cependant, ces approches nécessitent de rechercher des anomalies moléculaires dans un tissu spécifique autre que le sang, donc moins facilement accessible.

En somme, les applications des technologies NGS (2), à partir d’échantillons de patients dont le phénotype a été soigneusement effectué, peuvent résoudre les mystères de la physiopathologie de nombreuses MOC, identifier de nouvelles cibles thérapeutiques, ainsi que soutenir une médecine personnalisée pour le diagnostic et le traitement des MOC.

Hôpital Lariboisière (Paris)
(1) Mortier GR et al. Nosology and classification of genetic ske letal disorders: 2019 revision Am J Med Genet A, 2019 Dec;179(12):2393-2419.
(2) Fernandez-Marmiesse A et al. NGS Technologies as a Turning Point in Rare Disease Research, Diagnosis and Treatment. Curr Med Chem. 2018 Jan 30;25(3):404-32.

Pr Corinne Collet

Source : lequotidiendumedecin.fr