Article réservé aux abonnés
Dossier

ACR 2022

Les rhumatologues reconsidèrent le risque médicamenteux

Par Irène Lacamp - Publié le 09/01/2023
Les rhumatologues reconsidèrent le risque médicamenteux


VOISIN/ PHANIE

Effets secondaires des traitements immunomodulateurs, switch entre biosimilaires, orientation vers des alternatives non pharmacologiques… À l’ACR Convergence, le congrès annuel de l’American College of Rheumatology, organisé du 10 au 14 novembre 2022 à Philadephie, les rhumatologues se sont penchés sur les risques liés à leurs pratiques.

L’année 2022 a été « une année exceptionnelle pour la rhumatologie clinique ». Et ce, non seulement au regard de perspectives de traitement « particulièrement innovantes » mais aussi du fait de l’émergence de nouvelles données « aidant à (mieux) pondérer les risques (des traitements) par rapport à leurs bénéfices », s’est félicitée le Dr Carol Langford, rhumatologue et secrétaire de l’American College of Rheumatology (ACR), en ouverture d’une conférence phare du congrès.

De fait, nombre d’études publiées en 2022 concernent la réévaluation de la sécurité de médicaments anciens. À l’instar « des plus vieux immunosuppresseurs dont nous disposons en rhumatologie : les glucocorticoïdes », indique le Dr Langford. Ainsi, l’essai « pragmatique » Gloria, conduit en vie réelle sur près de 500 patients de plus de 65 ans, s’est penché sur les bénéfices et surtout les risques de la prednisolone dans la polyarthrite rhumatoïde (PR), et a estimé le number needed to harm (nombre de patients à traiter avant de voir apparaître des effets indésirables donnés) à 9,5. « Autrement dit, si vous traitez un peu plus de neuf patients avec la prednisolone, vous pouvez vous attendre à voir apparaître un effet indésirable d’intérêt », explique le Dr Langford.

Opioïdes, un risque thromboembolique non négligeable

Du côté des antalgiques, des effets indésirables cardio­vasculaires (CV) des opioïdes se dégagent. Alors que les patients souffrant de PR présentent un risque accru « d’évènements CV majeurs », le risque de thromboembolie associé aux opioïdes a été étudié à partir de la base de données nationale américaine Forward, portant sur les maladies rhumatoïdes. Résultat : « les patients sous opioïdes présentent un risque deux fois plus élevé que ceux traités par AINS ».

Les traitements plus récents ne sont pas en reste. En témoigne l’étude de phase 4 Oral, qui s’est intéressée à la sécurité d’emploi du tofacitinib dans la PR. Tandis que des alertes de sécurité sont émises depuis la fin des années 2010 quant à des cas d’accidents cardiovasculaires et de cancers, cet essai, conduit sur plus de 4 000 patients de plus de 50 ans présentant des facteurs de risque CV, a voulu confirmer ces effets indésirables potentiels. Au total, les patients traités par tofacitinib présentent bien un surrisque d’évènements CV (HR = 1,33) et de cancer (HR = 1,48), les patients de plus de 65 ans apparaissant plus vulnérables de même que ceux présentant de l’athéro­sclérose (HR = 1,98). Alors que les inhibiteurs de JAK se multiplient dans diverses indications (spondylarthrite ankylosante, psoriasis, etc.), toute la classe pourrait être concernée, prévoit le Pr Langford.

Une vaste étude danoise s’est penchée, quant à elle, sur l’impact du switch d’un biosimilaire par un autre. Conduite en vie réelle à partir de données du registre national Danbio, ce travail est plutôt rassurant et confirme pour la première fois l’absence d’effet négatif en termes d’efficacité du switch d’un biosimilaire de l’infliximab à un autre chez plus de 1 600 patients présentant diverses maladies rhumatologiques (polyarthrite rhumatoïde, spondylarthrite ankylosante, etc.), avec ou sans antécédent de traitement par le médicament princeps (Rémicade).

Gonarthrose, quid des mesures non pharmacologiques ?

En rhumatologie comme ailleurs, l’intérêt des mesures hygiénodiététiques est de mieux en mieux documenté et les interventions non pharmacologiques prennent une place croissante dans les recommandations. Dans la PR, l’essai clinique randomisé pragmatique WE-CAN présenté à Philadelphia a évalué chez plus de 800 patients l’efficacité d’une restriction alimentaire (objectif de perte de poids de 10 % minimum sur 18 mois) couplée à de l’activité physique (15 minutes de marche, 20 minutes de renforcement musculaire, puis à nouveau 15 minutes de marche trois fois par semaine pendant 18 mois) sur la gonarthrose. Résultat : les patients ayant bénéficié de ce type d’intervention manifestaient une réduction significative mais modeste de leurs douleurs en comparaison avec les participants du groupe contrôle, résume le rhumatologue Stephen Messier, coauteur de l’étude.