LES ATTEINTES du rachis cervical de la polyarthrite rhumatoïde (PR) portent préférentiellement sur le rachis cervical supérieur (RCS) compris entre l’articulation C1-occiput et le disque C2-C3, responsable de 75 % des mouvements de rotation.
L’atteinte du rachis peut être précoce.
La fréquence des atteintes du rachis cervical supérieur, d’après les études réalisées ces dix dernières années, est très variable mais on estime que les subluxations atloido-axoïdiennes (SAA) antérieures surviennent dans environ 30 % des cas. La plupart des données disponibles à ce jour concernent des populations dont la maladie évoluait depuis 10 à 20 ans et qui ne bénéficiaient pas des biothérapies. Ainsi Neva et coll. évaluant radiologiquement 68 patients ayant une PR, avec présence de facteur rhumatoïde, depuis 20 ans trouvent 23 % de SAA antérieure, 26 % de SAA verticale, 6 % de SAA latérale, 19 % de SAA rotatoire et 65 % de discites (1). Dans une étude grecque menée chez 165 patients ayant une maladie évolutive depuis 12,3 ± 13,9 ans, des cervicalgies ont été constatées dans 40 % des cas et une raideur cervicale chez 22,5 % des patients. Une imagerie a été obtenue chez 146 patients : il existait un diastasis C1C2 (≥ 2,5 mm) chez 20,6 % d’entre eux, une SAA dans 20,6 % des cas, des érosions de l’odontoïde chez 2,4 % des patients et des discites chez 43,6 % (2).
L’expression clinique n’étant pas toujours corrélée à l’importance des lésions, il faut penser à les rechercher de façon systématique avant une intervention, ce d’autant que le patient est âgé, que sa maladie est ancienne et active. Toutefois, généralement, 80 % des SAA apparaissent au cours des deux premières années de la maladie et préférentiellement lorsqu’il existe un facteur rhumatoïde, que la PR est nodulaire et qu’il existe des lésions articulaires périphériques importantes. L’existence d’une SAA s’associe à un risque de surmortalité multiplié par 8 toutes causes de décès confondues (3).
Repérer les différentes lésions.
Les lésions sont dominées par les érosions de l’apophyse odontoïde produites par le pannus synovial et les subluxations. La SAA antérieure est la plus fréquente (70 % des SAA), pathologique si elle est supérieure à 3 mm, dynamique dans 40 à 60 % des cas, parfois irréductible. Les SAA latérales (± 20% des SAA) présentent radiologiquement un pincement C1-C2 de 1 mm correspondant à un déplacement latéral de 2,5 mm. Les SAA rotatoires sont de diagnostic plus difficile : il est fréquent d’observer une attitude vicieuse de la tête, et à l’imagerie, la masse latérale de C1 paraît plus grosse. Les SAA postérieures sont rares (1-3 % des cas) et correspondent à des atteintes destructrices évoluées. Les SAA verticales ou impressions basilaires (5 à 32 % des SAA) sont liées à l’usure osseuse de la charnière cranio-rachidienne et sont souvent associées à la subluxation atlas-axis. Elles se développent tardivement et peuvent être fatales par compression bulbo-médullaire.
Toute manifestation douloureuse cervicale ou atypique aux membres supérieurs chez un patient souffrant d’une polyarthrite rhumatoïde doit faire redouter cette atteinte. Une myélopathie cervicale peut être suspectée en présence de paresthésies, d’une faiblesse musculaire, d’un signe de Babinski, de troubles de la marche ou de troubles sphinctériens. Les compressions du tronc cérébral associent un déficit médullaire sensitivo-moteur et une atteinte des paires crâniennes (notamment les IX, X et XIes paires).
L’imagerie par résonance magnétique est l’examen complémentaire de choix
L’imagerie par résonance magnétique (IRM) est actuellement l’examen le plus sensible pour visualiser les lésions. La radiographie conventionnelle (face, profil, C1-C2 bouche ouverte, profil en flexion, ± extension) ne permettant de détecter que 41,3 % des patients avec des lésions crânio-cervicales et surtout dans les stades évolués de la maladie (4). D’une façon générale, l’imagerie par résonance magnétique est plus performante que la radiographie classique et la tomodensitométrie pour visualiser les formes avec atteintes synoviales. Comparée à la radiologie, ses performances sont supérieures lorsqu’il s’agit de formes avec lésions de l’odontoïde et les SAA verticales. Dans les SAA antérieures, les deux examens se valent et, enfin, lorsqu’il s’agit de SAA latérales, la radiologie est meilleure que l’IRM.
L’apport de l’IRM en flexion comparée à la radiographie avec rachis en flexion pour évaluer l’importance de la subluxation est sujet à controverses. Certains auteurs ont souligné que l’IRM en flexion apporte des informations complémentaires sur le pannus péri-odontoïdien, le cordon médullaire, l’impression basilaire, le degré de compression basilaire et l’olisthésis cervical (Allmann 1998 et 1999) et qu’elle peut être justifiée chez les patients qui ont une symptomatologie neurologique déficitaire et dont l’IRM est normale en position statique. Toutefois l’IRM en flexion comparée à la radiographie en flexion/extension n’a pas démontré sa supériorité et la radiographie reste recommandée en première intention.
Le traitement doit être précoce.
Il a été montré que les traitements de fond classiques, notamment lorsqu’ils sont utilisés conjointement, peuvent prévenir ou retarder l’apparition de SAA, notamment pour la SAA antérieure (5). Il est licite de penser que les anti-TNF, utilisés précocement, peuvent avoir un effet bénéfique significatif en diminuant le développement des lésions, limitant ainsi le recours à la chirurgie. Toutefois, les données manquent encore pour l’affirmer.
Les moyens de lutte actuelle reposent sur les antalgiques, les infiltrations radioguidées (C1-C2, pannus périodontoïdien…), orthèses cervicales (colliers, minerves, orthèses cervico-thoraciques…) et enfin la chirurgie. L’acte chirurgical reste, généralement, une décision thérapeutique très difficile qui appartient aux médecins spécialisés dans la prise en charge médicale et chirurgicale de la PR et qui doit se faire de façon pluridisciplinaire. Il repose sur trois principes : la réduction de la luxation la décompression de l'axe neural et la stabilisation du rachis cervical.
* D’après un entretien avec le Pr René-Marc Flipo, CHRU de Lille
(1) Neva MH et coll. J Rheumatol 2000 ;27 :90-3.
(2) Zikou A et coll. J. Rheumatol 2005 ;32 :801-6.
(3) Rise T et coll. J Rheumatol 2001 ;28(11) :2425-9.
(4) Zoli A et coll. J Rheumatol 2000 ;27(5) :1178-82.
(5) Neva MH et coll. Arthritis Rheum 2000 ;43(11) :2397-401.
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