Si l’arrêt du cortivazol était inattendu malgré quelques coups de semonce, le déremboursement des acides hyaluroniques dans la gonarthrose était malheureusement attendu, après plus de quatre ans de péripéties. Quoi qu’il en soit, ces deux événements ont des conséquences majeures dans la prise en charge de nos patients, qui en sont les principales victimes.
Une pénurie de corticoïdes injectables
Le cortivazol (Altim) est un corticoïde injectable spécifique au marché français commercialisé depuis 40 ans, qui représentait 95 % des ventes de ce type de produits. Ce sont ses caractéristiques qui en avaient fait progressivement le premier corticoïde particulaire injectable en France. Son intérêt résidait dans sa présentation pratique en seringue injectable de 2 mL, dans sa durée et sa puissance d’action, intermédiaires entre celles de l’acétate de prednisolone (Hydrocortancyl) et de l’hexacétonide de triamcinolone (Hexatrione, administré exclusivement en intra-articulaire). Surtout, c’était le seul corticoïde particulaire (en suspension) utilisable dans toutes les injections rachidiennes du fait d’une granulométrie spécifique réduisant le risque d’accidents neurologiques graves. Cet arrêt de fabrication est dû à un accident industriel chez le façonnier anglais qui produisait le cortivazol pour Sanofi-Aventis. En effet, malgré d’importants investissements, il n’a pas réussi à produire un équivalent stable sur une autre unité de production en France.
Cet événement a eu deux conséquences immédiates : - une pénurie de corticoïdes injectables, en attendant que la production des autres corticoïdes puisse compenser sa disparition (ce qui demande du temps) ; - un grave problème pour les injections rachidiennes, conduisant à réévaluer les indications de l’acétate de prednisolone et à trouver des solutions de remplacement comme la dexaméthasone (corticoïde soluble largement utilisé dans le monde en injections rachidiennes foraminales, mais sans AMM en France et uniquement disponible dans les hôpitaux).
Deux publications à paraître, l’une validée par la Société française de rhumatologie (SFRh) et émanant d’un groupe de travail – composé de représentants de la section Rachis et de la section Imagerie et Rhumatologie interventionnelle (Siris) de la SFRh ainsi que d’un radiologue –, l’autre validée par la Société française de radiologie et émanant de la Société d’imagerie musculosquelettique, apportent des recommandations ou préconisations utiles aux médecins concernés par ces injections (1, 2).
Il faut souligner la réactivité de l’Agence nationale de la sécurité du médicament (ANSM), qui a pris conscience de l’urgence de la situation, permettant une modification rapide du RCP de l’acétate de prednisolone. Néanmoins, le malaise persiste pour les injections foraminales, conséquence de la politique des génériques, puisque la dexaméthasone n’est produite que par des laboratoires ne voulant pas investir dans des études d’AMM. Certes, la corticothérapie locale injectable en rhumatologie a des effets de courte durée, mais elle reste un outil indispensable pour soulager rapidement les patients en évitant des traitements plus longs, plus coûteux et avec davantage d’effets indésirables.
Un déremboursement préjudiciable pour les patients
Il est impossible de résumer ici les multiples actions que les rhumatologues et les associations de patients ont menées depuis 2013 (voir sur le site du Syndicat national des médecins rhumatologues), ou de rappeler le support scientifique qui aurait dû convaincre la Commission nationale d’évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé, puis le ministère de la Santé de maintenir le remboursement des acides hyaluroniques injectables dans la gonarthrose (3). Il n’y a aucune justification scientifique (4, 5) ou médico-économique à ce déremboursement, qui n’est donc que politique. Malheureusement, ce sont les patients les plus démunis qui n’en bénéficieront plus. Le choix dans le traitement de l’arthrose se fait pour eux entre des produits plus dangereux (AINS, antalgiques opioïdes) et la chirurgie prothétique, beaucoup plus coûteuse et non exempte de complications et de reprises chirurgicales.
Alors où allons-nous ? Ces deux événements indépendants justifient l’inquiétude de nombreux médecins. Des traitements peu coûteux et bien tolérés disparaissent au profit d’une médecine plus onéreuse et moins humaine.
Exergue : L’ANSM a pris conscience de l’urgence de la situation et permis une modification rapide du RCP de l’acétate de prednisolone.
Rhumatologue à Paris
(1) Marty M., Bard H., Rozenberg S.
et al. « Préconisations pour la réalisation des infiltrations épidurales rachidiennes de corticostéroïdes élaborées sous l’égide de la section rachis reconnue par la Société française de rhumatologie, de la section imagerie et rhumatologie interventionnelle de la Société française de rhumatologie »,
Revue du rhumatisme, à paraître
(2) Cotten A., Drapé J.-L., Sans N.
et al. « Recommandations de la SIMS, FRI et SFR concernant les corticoïdes injectés en épidural et foraminal »,
Journal de radiologie, à paraître
(3) Bard H. et Maheu E. « Dix raisons de ne pas dérembourser les injections intra-articulaires d’acide hyaluronique dans la gonarthrose »,
La Lettre du rhumatologue, no 401, avril 2014, éditorial
(4) Bannuru R. R., Osani M., Vaysbrot E. E., McAlindon T. E. « Comparative safety profile of hyaluronic acid products for knee osteoarthritis: a systematic review and network meta-analysis »,
Osteoarthritis and Cartilage, vol. 24, no 12, déc. 2016, p. 2022-2041
(5) Henrotin Y., Raman R., Richette P.
et al. « Consensus statement on viscosupplementation with hyaluronic acid for the management of osteoarthritis »,
Seminars in Arthritis and Rheumatism, vol. 45, no 2, oct. 2015, p. 140-149
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