Prise en charge de l’arthrose

Points forts et limites des recommandations

Publié le 22/04/2011
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Crédit photo : BSIP

LA PRISE en charge de l’arthrose fait l’objet de plusieurs recommandations. Celles de l’EULAR pour le genou (1), la hanche (2) et la main (3) et celles plus récentes de l’OARSI qui concernent le genou et la hanche (4). « Au cours d’une session « Rencontre avec les experts », les points forts et les limites de ces recommandations ont pu être discutés de façon très interactive », explique Dr Olivier Bruyère, épidémiologiste à l’université de Liège (Belgique). Car les recommandations ne sont jamais parfaites, elles ont toutes leurs limites et ne doivent pas être appliquées "les yeux fermés". La connaissance que le praticien a de son patient reste un élément majeur dans le choix de la stratégie thérapeutique ».

Essentiellement des rhumatologues.

On peut par ailleurs regretter que les experts de l’OARSI soient presque tous des rhumatologues, médecins généralistes et chirurgiens étant peu représentés, et qu’aucun kinésithérapeute et infirmier n’aient participé à l’élaboration des recommandations. De façon plus globale, « il est dommage de ne pas avoir de représentants de l’Asie ou de l’Amérique du Sud, certaines pratiques médicales issues d’autres cultures pouvant avoir un intérêt dans l’arthrose », estime le Dr Bruyère.

La prise en charge de l’arthrose est complexe, car nous ne disposons pas d’un médicament permettant de traiter la maladie, mais de tout un panel de moyens pharmacologiques et non pharmacologiques d’efficacité plus modeste. Le point numéro un des recommandations de l’OARSI est à cet égard très important, puisqu’il souligne que « la prise en charge optimale de l’arthrose nécessite la combinaison de moyens non pharmacologiques et pharmacologiques. Il s’agit là d’un consensus d’experts, car aucune étude bien menée ne le prouve vraiment », précise le Dr Bruyère.

Les bénéfices potentiels du recours à un kinésithérapeute constituent une autre recommandation particulièrement intéressante, qui n’est malheureusement pas assez suivie en pratique. De même, la perte de poids est primordiale. « En revanche, les aides à la marche, orthèses, semelles tout comme les moyens physiques comme la thermothérapie, la cryothérapie, la neurostimulation électrique transcutanée, peuvent certes être efficaces, mais en raison du manque de véritables preuves scientifiques, sont plutôt à envisager en deuxième intention ».

Faire évoluer les recommandations.

Dans le domaine des traitements pharmacologiques, le paracétamol est recommandé à une posologie pouvant atteindre 4 g par jour. « Cette recommandation pourrait évoluer depuis la mise en évidence, dans certaines études récentes, de son manque d’efficacité dans l’arthrose ». Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) per os sont quant à eux à limiter à une période la plus courte possible. Si les infiltrations de corticoïdes sont très efficaces à très court terme, les bénéfices des injections d’acide hyaluronique sont plus controversées. Les résultats des méta-analyses doivent être interprétés avec recul, car elles ont elles aussi leurs limites, liées notamment au choix des critères d’inclusion et d’exclusion. La glucosamine, la chondroïtine sulfate et la diacéréine peuvent avoir un effet symptomatique, voire structural, ce dernier étant important car il est susceptible de réduire le recours à la mise en place d’une prothèse.

Le remplacement prothétique est très efficace et il doit probablement être proposé assez rapidement chez certains patients.

« Le caractère très interactif de la session du congrès consacrée à ce sujet a permis de montrer que si les praticiens sont globalement assez d’accord avec les recommandations, ils ne les suivent que peu en pratique », note le Dr Bruyère, en citant notamment les méthodes non pharmacologiques. Ce qui est non ou mal remboursé n’est pas prescrit, ce qui souligne l’importance de mener plus d’études pharmaco-économiques. Il s’agit là d’une autre limite des recommandations, qui se basent surtout sur des données cliniques et majoritairement sur des études menées dans la gonarthrose. Il semble par ailleurs important que les recommandations soient traduites dans la langue de l’utilisateur et qu’elles soient adaptées aux pratiques locales. Ce qui n’est par exemple pas le cas du point 3 des recommandations de l’OARSI, qui rappellent les bénéfices d’un contact téléphonique régulier du patient en terme d’amélioration clinique. « Ceci a été montré dans une seule étude, réalisée aux États-Unis, pays où les contacts téléphoniques médecin/patient sont la norme, ce qui n’est pas le cas partout », conclut le Dr Bruyère.

(1) Jordan KM et coll. EULAR Recommendations 2003: an evidence based approach to the management of knee osteoarthritis: Report of a Task Force of the Standing Committee for International Clinical Studies Including Therapeutic Trials (ESCISIT). Ann Rheum Dis 2003 ; 62 : 1145-55.

(2) Zhang W et al. EULAR evidence based recommendations for the management of hip osteoarthritis: report of a task force of the EULAR Standing Committee for International Clinical Studies Including Therapeutics (ESCISIT). Ann Rheum Dis 2005 ; 64 : 669-81.

(3) Zhang W et coll. EULAR evidence based recommendations for the management of hand osteoarthritis - report of a task force of the EULAR Standing Committee for International Clinical Studies Including Therapeutics (ESCISIT). Ann Rheum Dis 2007 ; 66 : 377-88.

(4) Zhang W et coll. OARSI recommendations for the management of hip and knee osteoarthritis, Part II: OARSI evidence-based, expert consensus guidelines. Osteoarthritis and Cartilage 2008 ; 16 : 137-162

 Dr ISABELLE HOPPENOT

Source : Le Quotidien du Médecin: 8948