« AUJOURD’HUI, l’urologie est devenue une spécialité très vaste à multiples facettes. Nous sommes amenés à gérer un grand nombre de situations thérapeutiques pour lesquelles il existe différents niveaux de traitement. Dans certains cas, la prise en charge est avant tout médicamenteuse. Dans d’autres, nous avons recours à des techniques relativement classiques (cœlioscopie, endoscopie…) qui peuvent être pratiquées dans tous les services d’urologie en France. Mais désormais, dans certains domaines (calculs, cancer de la prostate, adénome de prostate, cancer du rein…), nous disposons de nouvelles technologies performantes, offrant un plus grand confort et de meilleurs résultats thérapeutiques. La question qui se pose à nous, est de savoir comment nous allons permettre un accès égal sur le territoire à ces technologies », explique le Dr Marc Géraud (polyclinique Saint-Côme à Compiègne), trésorier du Syndicat national des chirurgiens urologues français et membre du conseil d’administration de l’Association française d’urologie (AFU).
La première nécessité pour en assurer le déploiement est de former les urologues qui seront amenés à les utiliser. « On ne peut pas du jour au lendemain se placer derrière un robot ou un laser sans avoir été correctement formé à leur maniement. C’est un préalable indispensable », souligne le Dr Géraud. Et la formation de notre spécialité adhère de plus en plus au système de formation et de contrôle de l’aviation : simulateurs, essais assistés, cotas minimums d’interventions pour un urologue donné, formation continue etc.
Néanmoins, le principal obstacle au développement massif de ces nouvelles technologies concerne le coût des investissements et des matériels. « Actuellement, ils sont en général très onéreux et il est clair que tous les établissements de France ne peuvent pas se le permettre. En même temps, on ne peut pas non plus être trop restrictif dans l’offre de soins et l’accès à ces nouveaux traitements. Ces techniques ne peuvent pas n’être réservées qu’à quelques grands centres en France. Il n’est pas envisageable aujourd’hui de demander aux malades de traverser la moitié du pays pour avoir accès à une technologie plus performante », souligne le Dr Géraud, en insistant sur la nécessité de fixer des priorités à un niveau régional. « Il s’agit d’une réflexion qui devrait bien sûr être conduite en lien avec les Agences régionales de santé (ARS) qui ont leur mot à dire dans ce domaine, même si l’acquisition de ces matériels (robot, lasers) n’est pas soumise à une autorisation réglementaire, comme c’est cas pour les scanners ou les IRM », ajoute-il.
Le Dr Géraud est conscient que l’arrivée de ces nouvelles technologies devrait sans doute encore accélérer le mouvement de spécialisation engagé ces dernières années en urologie. « Aujourd’hui, chacun de nos secteurs d’activité devient de plus en plus pointu et il devient de plus en plus difficile pour un urologue de pouvoir tout faire. On ne peut pas être " bon " partout. C’est la raison pour laquelle nous assistons, depuis quelques années, à une surspécialisation au sein de petits groupes de cinq ou six urologues qui deviennent très pointus dans un domaine précis : les calculs, les cancers, l’adénome de prostate, l’incontinence urinaire… ».
Pour le Dr Géraud, le risque est que ces nouvelles technologies se déploient de manière moins rapide dans le secteur privé que dans le secteur public. « Aujourd’hui, on constate que les établissements publics arrivent à obtenir des financements pour acquérir ces matériels. Est-il normal que le groupe homogène de séjours (GHS) du public soit nettement supérieur à celui du privé pour un même acte utilisant les mêmes technologies, les mêmes services ? Désormais, pratiquement tous les services d’urologie des CHU disposent de robots qui coûtent 1,5 million d’euros à l’achat, 150 000 € par an en maintenance et 3 000 € de consommables par patient pour un acte remboursé 750 €. C’est une très bonne chose pour les patients pris en charge dans ces établissements. Mais qui paye ? On est bien obligé de constater que l’acquisition de ces nouveaux matériels se révèle souvent plus difficile pour les cliniques privées », indique le Dr Géraud, en déplorant le fait que la cotation des actes, correspondant à ces nouvelles prises en charge, n’ait pas évolué dans le temps. « La CCAM (classification commune des actes médicaux) n’évolue pas à la même vitesse que le coût des nouvelles technologies. Prenons par exemple le cas du laser pour traiter les calculs. Alors que cette technique existe depuis quatre ou cinq ans, il a fallu attendre l’année dernière pour disposer d’une nouvelle cotation spécifique. C’est un vrai handicap. Cela constitue un frein incontestable à l’achat de ces nouveaux matériels. Il en est de même pour le traitement des adénomes de prostate. Les urologues risquent, par exemple, d’avoir du mal à convaincre leur directeur d’établissement d’acheter un laser prostate au lieu des résecteurs vieux de trente ans pour traiter les adénomes. Ils auront beau lui dire que cette technique sera plus confortable pour le patient, qu’elle va diminuer le risque de saignements ou la durée de l’hospitalisation, le directeur risque de leur répondre que GHS sera le même avec ce laser que pour une résection classique. Et que, au final, le remboursement de l’acte pour la clinique sera identique, mais avec des frais de consommables nettement supérieurs. Ce n’est pas vraiment un facteur incitatif quand il s’agit d’acheter une fibre laser qui va coûte environ 650 euros par patient », souligne le Dr Géraud.
Selon lui, le développement de ces nouvelles technologies ne pourra passer que par une « juste revalorisation » des actes correspondants. « Il faut tenir compte du fait que ces matériels permettent des interventions plus courtes, moins invasives, offrant l’opportunité d’être réalisées en ambulatoire et donc moins onéreuses pour l’assurance-maladie et avec un risque moindre d’infections nosocomiales. Il y a donc un avantage financier, mais aussi un bénéfice en termes de santé publique. Il faut donc une revalorisation de ces nouvelles technologies, une prise de conscience collective sur ce point y compris des associations de patients si on veut que l’ensemble de nos malades puissent avoir un égal accès à ces nouvelles techniques », souligne le Dr Géraud.
› ANTOINE DALAT
D’après un entretien avec le Dr Marc Géraud, polyclinique Saint-Côme à Compiègne, trésorier du Syndicat national des chirurgiens urologues français et membre du conseil d’administration de l’Association française d’urologie (AFU).
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