Cancer : le rôle de la pollution confirmé en France

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Publié le 25/01/2024
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Récemment, le rôle des particules fines PM2,5 a été démontré dans la survenue des cancers bronchiques mutés EGFR. Cette année, un nouveau volet de l’étude KBP a été mené afin d’essayer de confirmer et de compléter ces résultats, en étudiant d’autres polluants et d’autres types de mutations. Le Pr Alexis Cortot (CHU de Lille) présente ces résultats au congrès.

Le lien semble être assez spécifique de la mutation EGFR

Le lien semble être assez spécifique de la mutation EGFR
Crédit photo : VOISIN/PHANIE

L’association entre la pollution de l’air et le cancer du poumon a déjà été établie depuis plusieurs années sur le plan épidémiologique. Et les facteurs de risque sont bien reconnus par le Centre international de recherche sur le cancer (Circ), notamment les particules fines, classées comme carcinogènes de groupe 1. Cependant, le lien entre la pollution et les cancers pulmonaires chez les sujets non fumeurs est encore mal compris. L’étude londonienne de Hill et al. (1) a apporté des éléments nouveaux avec, pour la première fois, l’explication biologique, les particules fines PM2,5 étant directement en cause dans la survenue de cancers du poumon mutés EGFR chez des patients non fumeurs (environ 10 % des patients en France).

« Lorsque ces résultats sont sortis, nous avons pensé que l’étude KBP [menée par le Collège des pneumologues des hôpitaux généraux (CPHG)] était un bon outil pour apporter des éléments confirmant ces résultats, voire qu’elle était à même de les compléter avec d’autres types de pollutions (PM10, dioxyde d’azote, ozone, radon…) concernant d’autres types de mutations (ALK, Kras, ROS, etc.), explique le Pr Alexis Cortot (CHU de Lille). Nous avons ainsi recueilli les données de l’exposition aux polluants de tous les cas incidents de cancers du poumon de l’étude KBP (9 000 patients en 2020), à partir de leur lieu de résidence et des données environnementales de l’Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris). »

Au total, l’étude a porté sur 5 700 patients atteints d’un cancer du poumon non à petites cellules (CPNPC) non épidermoïde, pour lesquels l’exposition aux polluants de l’environnement a pu être étudiée. « On a pu observer des variations des niveaux de pollution d’un facteur de 1 à 3 », indique le spécialiste. Ces niveaux de pollution sont, sans surprise, plus élevés dans les grandes villes, mais restent sous le seuil recommandé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et ont tendance à diminuer de façon continue au fil des ans. La cohorte KBP est donc bien représentative des tendances françaises.

PM2,5, PM10 et dioxyde d’azote

Les résultats de l’étude KBP 2020 ont confirmé ceux de l’étude londonienne. L’association entre l’exposition aux particules PM2,5 et la survenue d’un cancer pulmonaire EGFR muté a effectivement été retrouvée.

Le fait d’être dans une zone très polluée, par rapport à la zone moins polluée, augmente de 50 % le risque d’avoir un cancer du poumon muté EGFR pour les patients de la cohorte KBP (RR = 1,5). Ce risque est également observé pour les PM10 et le dioxyde d’azote car ces polluants ont souvent les mêmes sources (combustion industrielle, trafic routier).

En revanche, il n’a pas été observé, dans cette cohorte KBP, de lien entre l’exposition au radon et le cancer pulmonaire avec mutation EGFR. « L’exposition au radon n’entraîne peut-être pas le même mécanisme physiopathologique. Il en est de même pour le rayonnement gamma, pour lequel aucun lien n’a été observé avec la mutation EGFR », commente le Pr Cortot.

Concernant les autres types de mutation (ALK, ROS, Kras, etc.), aucun lien n’a été trouvé avec les différents polluants dans cette étude.

Ces résultats semblent suggérer que le lien entre la pollution et le cancer pulmonaire est assez spécifique de la mutation EGFR.

« Une base de données importante »

« La mutation de Kras est le plus souvent associée au tabagisme ; ses mécanismes physiopathologiques sont peut-être différents de ceux des mutations EGFR et pourraient être indépendants d’une exposition à la pollution, explique le Pr Cortot. Pour les mutations plus rares, il y a peut-être un manque de puissance de l’étude pour mettre en évidence le lien avec la pollution. »

Les recherches vont se poursuivre. « Nous allons regarder l’impact de la pollution dans les sous-groupes de patients, fumeurs et non fumeurs, ainsi qu’en fonction du sexe. On aimerait également observer la réponse des patients au traitement, leur devenir… Nous allons poursuivre nos travaux. Nous avons maintenant une base de données importante que l’on va continuer à exploiter », informe le Pr Cortot.

Entretien avec le Pr Alexis Cortot (CHU de Lille)

(1) Hill W et al. Lung adenocarcinoma promotion by air pollutants. Nature. 2023 Apr;616(7955):159-67


Source : Le Quotidien du Médecin