« En s’intéressant au troisième âge, la société a mis en place la tyrannie du bien vieillir, par le biais d’injonctions concernant le mode de vie idéal, celui qui permet de ralentir la vieillesse, ou de vieillir en ayant une santé optimale », regrette Gérard Ribes, professeur associé de psychologie de la santé à l’université de Lyon, pour qui ces injonctions iraient à l’encontre de la liberté de chacun : « Dans ces conditions, beaucoup de personnes âgées ont du mal à évaluer leur normalité ; elles veulent à tout prix rester dans la norme imposée par la société. »
Avec l’âge, l’incidence des pathologies chroniques augmente, avec une évidente répercussion sur la sexualité. Les personnes âgées doivent apprendre à vivre leur sexualité avec un corps qui se transforme et doit, parfois, faire face à des comorbidités. « Pour vivre une sexualité épanouie, elles doivent s’adapter aux changements physiques et psychiques liés à l’âge. Beaucoup d’études montrent qu’environ la moitié des personnes âgées ayant une vie sexuelle active présentent un trouble sexuel, généralement en lien avec leur état de santé. Il est donc possible de bien vivre sa sexualité malgré un trouble sexuel », affirme Gérard Ribes. Quant aux personnes âgées en bonne santé et ayant une activité sexuelle, elles ont plutôt tendance à penser la sexualité comme étant une activité importante et plus satisfaisante qu’auparavant (1). « Il existe bien un lien entre bonne santé et qualité du vécu sexuel », souligne le spécialiste.
Éviter l’intimité excessive
Lorsqu’une personne âgée souffre d’un trouble sexuel, sa prise en charge doit être globale. Le sexologue doit d’abord penser aux éventuelles pathologies chroniques ou aiguës pouvant expliquer ce trouble et pouvant être associées à une motivation fluctuante du, ou de la, partenaire. « La présence d’une dysfonction sexuelle chez le ou la partenaire doit également être prise en compte », précise Gérard Ribes.
Par ailleurs, lorsque le couple est à la retraite, l’intimité est souvent trop importante. « Dans le cadre de mes consultations, je conseille aux couples qui passent l’intégralité de leur temps ensemble de prendre des “vacances conjugales”. Il est important que chacun puisse avoir ses propres activités pour éviter l’ennui, l’usure de la relation et retrouver le désir dans l’intimité », indique Gérard Ribes.
Vers une pleine conscience ?
Avec la vieillesse, se pose la question de l’actualisation de la relation à soi dans un corps qui s’est transformé, dans un contexte qui implique une cohabitation plus importante avec le conjoint, l’apparition de nouvelles pathologies… « Une des difficultés de la vieillesse, c’est que l’on doit à la fois s’adapter aux changements liés à l’âge et rester dans une certaine continuité de soi par rapport au monde : prendre soin de soi, de son apparence, ne pas se laisser aller… En matière de sexualité, il faut parfois renoncer au diktat de la performance. Pour en sortir, je propose aux couples que je suis de pratiquer une sexualité en pleine conscience, le slow sex (2) – dont l’objectif n’est pas d’atteindre un but –, de prendre le temps de cheminer ensemble vers le plaisir : peu importe le but pourvu que le chemin ait été partagé à deux, en harmonie », conclut Gérard Ribes.
(1) Tessler Lindau S et al. N Engl J Med. 2007;357:762-74
(2) Richardson (Diana), Slow Sex. Faire l’amour en conscience, Almasta éd., 2013
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