Des études quantitatives et qualitatives ont montré un lien de cause à effet entre infertilité et difficultés et/ou troubles sexuels. « Il suffit par ailleurs d’écouter les couples lors des consultations pour observer les conséquences émotionnelles et sexuelle de l’infertilité. Les réflexions récurrentes de nos patients en témoignent : “À qui la faute ?”, “On n’est pas compatibles ?”, “Il n’a plus envie de faire l’amour, il dit qu’il est fatigué” », raconte la Pr Blandine Courbiere, gynécologue-obstétricienne, responsable du centre d’aide médicale à la procréation (AMP) de l’hôpital de la Conception à Marseille.
Quand la sexualité devient un moyen
Le désir d’enfant modifie la sexualité du couple. « Une femme qui souhaite être enceinte va mettre tout en œuvre pour y arriver le plus vite possible. La sexualité récréative est, parfois, mise de côté. Les couples cherchent les meilleures stratégies pour faire un enfant sans tarder. Souvent, ils discutent avec d’autres couples via les forums sur Internet pour connaître le meilleur moment pour avoir un rapport sexuel, ou les meilleures positions. Malheureusement, beaucoup d’idées reçues circulent », regrette la Pr Courbiere.
Quand l’infertilité est constatée chez une femme, des sentiments de honte, de culpabilité et de stress peuvent apparaître et retentir sur l’entente sexuelle. « Un cercle vicieux s’installe petit à petit chez certains couples : plus ils veulent un enfant et moins ils font l’amour, ce qui diminue leur fécondité. La sexualité devient un moyen, le plaisir est laissé au second plan », explique la gynécologue.
Une blessure narcissique
Chez les femmes, le début de l’infertilité ne s’accompagne généralement pas de dysfonction sexuelle : la capacité à atteindre l’orgasme reste inchangée, même si la libido est diminuée, et que les rapports sexuels sont davantage programmés en période périovulatoire. Chez les hommes, les études montrent que l’infertilité aurait un impact sexuel un peu plus important. L’annonce d’anomalies au spermogramme, par exemple, peut être vécue comme une atteinte à la virilité, provoquant une blessure narcissique, un stress qui entraîne davantage d’éjaculations précoces, de troubles de l’érection, d’impuissance… « Parfois, certains tentent de compenser cette baisse de l’estime de soi en faisant plus de sport, en se consacrant davantage à leur travail ou en ayant une relation extraconjugale pour se rassurer sur leur virilité », analyse la Pr Courbiere.
Pas de coupable
Les troubles sexuels sont variables selon l’étiologie, la durée de la relation et l’entente du couple avant l’infertilité. « Au bout d’un an de rapports sexuels réguliers infructueux, quand les couples viennent nous consulter, nous savons que des répercussions de l’infertilité sur la sexualité sont déjà présentes », assure la Pr Courbiere. Certaines causes sexuelles (telles que le vaginisme) peuvent également aggraver l’infertilité. La prescription d’un bilan d’infertilité n’arrange pas la situation. « Les couples le prennent souvent comme un examen, un bilan de compétences procréatives. Nous expliquons à nos patients qu’il est inutile et délétère de désigner un fautif, une personne coupable de l’infertilité dans le couple. L’interrogatoire nous permet de rechercher des antécédents qui ne sont pas toujours connus du conjoint (IVG, IST…). Parfois, c’est aussi l’occasion de mettre en lumière certains problèmes tels que l’âge avancé, l’obésité, la prise de toxiques, une hypotrophie testiculaire… », détaille la Pr Courbiere. Quoi qu’il en soit, il est toujours important d’inclure l’homme dans une démarche d’AMP : la femme ne doit pas consulter seule.
Communication de la Pr Blandine Courbiere, gynécologue-obstétricienne, responsable du centre d’aide médicale à la procréation (AMP) de l’hôpital de la Conception à Marseille
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