« En consultation douleur, nous voyons moins d'hommes que de femmes, d'une part parce que certains syndromes douloureux chroniques sont moins fréquents que chez les femmes et, d'autre part, on a l'impression que les hommes consultent beaucoup moins, sont moins enclins à parler de leurs douleurs, de leur vécu ou à aborder les problèmes psychologiques. La douleur masculine n'est pas encore vraiment bien reconnue dans la culture occidentale, aussi consultent-ils généralement pour des douleurs plus sévères », constate le Pr Didier Bouhassira (centre d’évaluation et de traitement de la douleur, hôpital Ambroise-Paré, président de la Société Française d'études et de traitement de la douleur).
Deux fois moins de migraines
Quel que soit le pays, toutes les études retrouvent globalement une moins grande fréquence de la douleur chronique chez les hommes. Certaines pathologies douloureuses sont plus rares chez l'homme, ainsi les migraines et céphalées (1 homme pour 2 femmes), la fibromyalgie (1 pour 8/9 femmes), le syndrome de l'intestin irritable (1 pour 3 à 4 femmes), les lombalgies. Ils sont beaucoup plus souvent concernés par les algies vasculaires.
Les hommes ressentent-ils moins la douleur ou l'expriment-ils moins ? Les différences entre les deux sexes résultent de la conjonction de facteurs divers parmi lesquels on ne peut nier l’existence d'éléments biologiques qui ont été prouvés chez l'animal. L'analyse de la réponse à une douleur aiguë chez des volontaires sains montre que le seuil de la douleur et sa tolérance seraient un peu plus élevés chez l’homme que chez la femme. « Les systèmes de modulation de la douleur ne fonctionnent pas de la même façon et seraient un peu moins efficaces chez les femmes. L'altération de ces systèmes rendrait en partie compte de la prépondérance féminine de maladies comme le SII ou la fibromyalgie. L'existence de récepteurs hormonaux cérébraux pourrait aussi jouer un rôle mais elle n'explique pas tout », explique le neurologue.
Les facteurs psychologiques sont indéniables avec des différences dans la façon d’interpréter la douleur et de mettre en place des stratégies plus ou moins efficaces pour y faire face. L'influence de la culture dans la représentation et l'expression de la douleur selon le genre reste très prégnante. Il reste toutefois difficile d'évaluer le poids respectif du biologique, du psychologique et du socio-culturel.
Les données sur le risque de passage à la chronicité selon le sexe sont beaucoup moins nettes. Il semble surtout dépendant des causes de la douleur initiale, avec chez les hommes un risque qui pourrait être un peu plus fréquent pour les douleurs post-zostériennes mais un peu moins pour les douleurs post-opératoires. De même le retentissement de la douleur chronique sur les troubles de l'humeur, du sommeil… est lié essentiellement lié à l'étiologie et à l'intensité de la douleur ; il semble un peu moins marqué chez l'homme mais là aussi on manque de données de qualité.
Un risque d'abus médicamenteux plus élevé
Globalement, il ne semble pas que la réponse au traitement diffère selon le genre, néanmoins quelques études suggèrent que les hommes répondraient moins bien à la morphine, mais on ne sait pas si cela est lié à des différences au niveau des récepteurs aux opioïdes ou à un nombre plus élevé d'effets indésirables. Les hommes, aux comportements plus volontiers addictifs sont beaucoup plus vulnérables au risque de mésusage voire d'addiction, surtout envers les opioïdes qu'ils soient faibles ou forts et le sexe masculin, surtout chez les moins de 50 ans est considéré comme un facteur de risque.
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