Courrier des lecteurs

Un marché très prospère

Publié le 29/10/2021

Depuis quelques semaines, les médias nous donnent des informations sur la situation de certains concitoyens vivant dans le 93, et qui se sentent menacés régulièrement par les responsables en charge du commerce de drogue. Ce qui est frappant, c’est la majoration des incivilités à l’égard de ces populations ayant souvent peu de moyens, et qui doivent composer avec des dealers souvent agressifs.

Cette situation est d’autant plus curieuse que nous vivons une période de confinement. Ainsi, il est difficile pour de nombreux Français de sortir sans avoir son attestation, cela pour éviter une verbalisation.

Compte tenu de ce paradoxe, je me suis empressé d’interroger les patients qui consultent dans deux CHRS (centre d’hébergement et de réinsertion sociale dédiés aux SDF) au sein desquels je consulte toutes les semaines.

À ma grande surprise, les toxicomanes que j’ai interrogés (ils sont assez loquaces car ils me connaissent depuis de nombreuses années) m’ont expliqué que les mesures prises pour éviter toute contamination des citoyens n’ont eu aucun impact sur le commerce de drogue. Un de ces SDF m’a même expliqué que la crise sanitaire ne pouvait pas engendrer une hausse des demandes de traitements substitutifs (utilisation détournée dans ce cas) car l’offre de la rue dans ce domaine compense bien la demande. Mieux certains m’expliquent que les prix sont, chez certains revendeurs, inférieurs à ceux observés avant la crise sanitaire.

Ces éléments doivent nous amener à nous poser des questions :

- Comment est-il possible de se fournir en drogue alors que les frontières ne sont théoriquement pas poreuses, et que les forces de l’ordre sont sur le qui-vive pour effectuer des contrôles et verbaliser. Le préfet des bouches du Rhône ne s’est-il pas illustré il y a quelques semaines à ce propos, en dénonçant l’absence d’attestation des professionnels en charge de la vente de drogues ? Il est vrai qu’il est important de ne pas étouffer les petits commerces (sic)

- L’augmentation des consommateurs (effet de la crise économique due au COVID-19) ne va-t-il pas avoir des conséquences à moyen terme sur la santé de nombreux concitoyens ayant basculé dans la précarité ?

Cette situation me semble préoccupante pour la santé de nos concitoyens, et m’incite à me poser des questions sur l’efficacité de notre système exécutif et judiciaire.

« La drogue est le nomadisme de l’exclu ». Attali Jacques.

 

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Dr Pierre Frances, Médecin généraliste, Banyuls-sur-mer (66)

Source : Le Quotidien du médecin