L’hôpital public rattrapé par la RGPP

10 000 postes à la trappe en 2009

Publié le 15/03/2011
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AU PRINTEMPS 2009 (le 11 mai précisément), la règle venait d’être édictée dans le cadre du vaste chantier de la Révision générale des politiques publiques (RGPP) ; la ministre de la Santé, au micro de France-Inter, le jurait : « L’hôpital n’est pas touché par le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux. » Elle rassurait même : « Cette année encore, le nombre des personnels hospitaliers va augmenter. » Aïe.

Pour 2009 précisément, les chiffres définitifs – et gouvernementaux – de la Statistique annuelle des établissements de santé (SAE) viennent de tomber. Ils font apparaître que les effectifs (hors médecins) des personnels de l’hôpital public (MCO, Psy et SSR) ont fondu de 9 800 postes cette année-là. Une date rupture (voir tableau). Car si, en 2008, après des années de hausse, une première diminution des effectifs a bien été enregistrée, elle était peu significative (420 postes avaient alors disparu, soit une baisse de 0,06 %). 10 000 postes à la trappe, c’est du jamais vu. Même si les éléments dispersés dont on disposait jusqu’à présent – tel CHU va supprimer 200 postes, tel centre hospitalier 300… – laissaient soupçonner une diète, son ampleur est une surprise. « C’est une première, constate, impressionné, le délégué général de la Fédération hospitalière de France (FHF), Gérard Vincent. On y va fort. »

Il faut rendre justice à Roselyne Bachelot sur un point : les 10 000 postes envolés de 2009 n’équivalent pas au non-remplacement d’un personnel hospitalier sur deux ; ils représentent exactement le non-remplacement d’un départ à la retraite sur… quatre. Le principe très officiellement et algébriquement appliqué à la fonction publique d’État – où 150 000 postes auront disparu à la fin de 2012 (pour une baisse totale de 7 %) – est adouci du côté de la fonction publique hospitalière. Il n’empêche qu’il y est à l’œuvre. Et selon des modalités qui relèvent un peu du « doigt mouillé ».

Des directeurs face à leurs choix.

Couper dans les effectifs, c’est avant tout, en période de budgets restreints et compte tenu de nouvelles règles de financement des établissements (la tarification à l’activité – T2A), faire des économies. On peut estimer que les 9 800 postes évaporés de 2009 représentent une économie de quelque 390 millions d’euros. En pratique, et puisqu’il n’y a aucune politique officielle de restriction des effectifs hospitaliers, la décision de supprimer ou non des postes revient aux directeurs d’hôpital : « Chaque directeur prend ses responsabilités compte tenu de ses recettes et de ses dépenses », schématise Gérard Vincent. Mais avec le mécanisme de la T2A, ce ne sont pas forcément les établissements où il y a « le plus de mou » qui se retrouvent face à ce choix. « Prenons, explique le délégué général de la FHF, un hôpital qui est bien implanté sur son territoire, qui affiche de bons taux d’occupation, de bonnes durées de séjour, qui remplit parfaitement son obligation de soins… mais dont la population d’usagers potentiels ne connaît pas de croissance démographique. Son activité ne va pas s’accroître, et donc ses revenus non plus : il va plonger. Que reproche-t-on à cet hôpital ? Rien. Il fait bien son boulot mais il va être obligé de couper dans ses effectifs. »

Gros ou petits hôpitaux ? CHU ou CH ? Des catégories d’établissements sont-elles plus concernées que d’autres ? Les 10 000 postes envolés sont-ils l’effet de fermetures dans les petits hôpitaux de proximité ou dans les très gros navires surendettés ? Pour Gérard Vincent, « il n’y a pas de règles mais on observe tout de même qu’en moyenne, les densités de personnels sont moins fortes dans les petits établissements, ils sont donc plutôt moins touchés ». Quant aux personnels visés, les statistiques montrent bien que les directeurs préfèrent s’attaquer aux emplois dits « supports » (dans les secteurs logistiques ou administratifs) qu’aux emplois directement liés aux soins. Dans ce tableau, les médecins restent hyperprotégés – la hausse de leurs effectifs (+ 3,22 %) observée en 2009 embarrasse presque les commentateurs qui formulent plusieurs hypothèses : postes jusque-là non pourvus et qui trouvent preneurs, recrutements très localisés et circonscrits à certaines spécialités… ? En dépit des alarmes régulièrement sonnées sur les difficultés de leur recrutement, les emplois infirmiers ne sont pas non plus ceux qui paient le plus lourd tribut : les effectifs des infirmiers non spécialisés n’ont chuté « que » de 0,2 % en 2009 ; ceux des IADE et des IBODE sont en hausse de 0,77 %. Un sort enviable comparé à la coupe de presque 7 % opérée dans les rangs des agents (ASH, essentiellement).

Des choix qui se font dans les gros hôpitaux et qui touchent des emplois peu visibles : ceci explique peut-être que 10 000 postes aient pu disparaître sans faire (trop) de vagues. Reste à savoir si l’opération restera encore longtemps « indolore », sachant que, pour la FHF, elle s’est sûrement répétée dans les mêmes proportions en 2010 et pourrait s’intensifier encore cette année où, selon les calculs de la Fédération (« le Quotidien » du 1er mars), ce sont 15 000 postes qui sont menacés. Que ces projections se vérifient et 35 000 postes auront disparu en trois ans. Un chiffre à rapprocher des quelque 45 000 emplois créés au début des années 2000 à la faveur des 35 heures.

 KARINE PIGANEAU

Source : Le Quotidien du Médecin: 8923