« Le patient est plus serein » : à Amiens, retour d'expérience à la clinique Pauchet   

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Publié le 12/09/2019
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En rééducation respiratoire, Claudine Jamlin a apprécié l'hôtel hospitalier pour son calme

En rééducation respiratoire, Claudine Jamlin a apprécié l'hôtel hospitalier pour son calme
Crédit photo : DR

De la petite cour jouxtant l'appartement de Claudine Jamlin montent des rires d'enfants. 

Un coup d'œil de la terrasse et apparaissent dans le champ de vision quatre petites mains accrochées aux barreaux qui séparent la crèche de la résidence seniors, saluant une dizaine de femmes d'âge respectable en grande discussion, qui les ignorent en retour superbement.

Claudine Jamlin, 56 ans, a passé plusieurs semaines dans le T2 semi-meublé que la clinique Victor Pauchet d'Amiens a loué pour elle dans cet immeuble flambant neuf. Le matin, elle montait au sixième étage prendre le petit-déjeuner avec les autres résidents avant de rejoindre en ambulance la clinique, à 2 km de là, pour sa séance de rééducation respiratoire. Le soir, elle rentrait, regardait la télé, dînait puis allait se coucher. Sous oxygène mais autonome, Claudine Jamlin habite à côté de Beauvais, à 1 h 30 d'Amiens, si ça roule bien. Elle fait partie des 15 patients de la clinique qui ont expérimenté cette année, seuls ou accompagnés, le concept d'hôtel hospitalier.

Comme à la maison

Pour le Dr Antoine Wallois, directeur médical de la clinique Pauchet, l'hôtel hospitalier participe de la philosophie de la récupération rapide après chirurgie (RRAC) : une prise en charge prompte, efficace et une sortie « avec le moins de tuyaux possible ». « Plutôt que se taper 200 bornes par jour, d'attendre l'ambulance, de stresser, de se réveiller à pas d'heure, le patient est plus serein, son mental et son corps sont optimisés », milite l'urologue de 40 ans.

En moyenne, ces malades de 70 ans vivent à 78 km de la clinique. Pour l'instant, des médecins de trois spécialités ont sauté le pas de l'hôtel hospitalier : en ophtalmologie (cataracte, implant, vitrectomie) et en neurochirurgie du rachis (arthrodèse cervicale et lombaire, hernie, stimulation médullaire) la veille ou le lendemain de leur prise en charge ; en réhabilitation respiratoire (SSR) pour des séjours hebdomadaires. Le Dr Wallois voudrait pousser le concept en chirurgie digestive et vasculaire et dans sa propre spécialité.

Mais toutes les disciplines ne sont pas prêtes à cet hébergement non médicalisé. Les orthopédistes ont été approchés mais la greffe n'a pas pris. Le dispositif semble peu indiqué pour les chimiothérapies, assez espacées, et la radiothérapie, aux séances de trop courte durée.

Le Dr Julien Monconduit, pneumologue de 42 ans, a été séduit par cette « super initiative » qui, explique-t-il, contribue à rompre la spirale du déconditionnement physique et psychosocial. « Hospitaliser quelqu'un à qui on veut rendre son autonomie manque de sens, analyse-t-il. En hôtel hospitalier, le patient est comme à la maison. Son adhésion au traitement est meilleure car il vient tous les jours sans effort, on ne le perd pas avec la route. » Pour l'instant, le médecin « ne s'est pas planté » sur le choix des personnes à qui proposer l'expérience. Si d'aventure l'un d'entre eux se révélait instable au niveau cardiaque ou respiratoire, il « prendrai[t] ses responsabilités » et les hospitaliserait. 

Fragilité économique

L'équation financière de l'expérimentation est plus incertaine. Pour se lancer, la clinique avait envisagé d'acheter un hôtel avant d'y renoncer, faute de liquidités. Elle a finalement contractualisé en juillet 2018 avec cette résidence seniors – qui fait partie du même groupe santé – en supportant un coût de 2 690 euros mensuels pour les deux logements affectés à ses patients. S'y ajoutent divers postes de dépenses (coordination administrative, soignante, recours au contrôleur de gestion, au service qualité, etc.). L'établissement déplore que la subvention accordée (25 000 euros reçus en 2017 via le fonds FIR) ne suffise pas à couvrir un coût de fonctionnement annuel estimé à 35 000 euros. 

PDG du groupe santé Victor Pauchet depuis une vingtaine d'années, Stéphan de Butler d'Ormond juge que la fragilité du modèle économique menace la pérennité d'un projet bénéfique aux patients. Sans nouveaux financements, l'hôtel hospitalier d'Amiens continuera de fonctionner mais « à petite vitesse »

Anne Bayle-Iniguez

Source : Le Quotidien du médecin