Contrôle tensionnel

Des médecins un peu trop optimistes

Publié le 02/02/2009
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L’ENQUÊTE HARMONY, réalisée à l’initiative des Laboratoires Nycomed, est une étude nationale, observationnelle conduite en trois vagues distinctes, sur 2007 et 2008, au moyen de Cahiers d’enquêtes à remplir auprès d’un échantillon de 15 000 généralistes et de 1 500 cardiologues. La première vague permettait de comparer la perception des médecins sur le niveau de contrôle de l’HTA de leurs patients, avec la réalité de ce contrôle observé chez 4 patients consécutifs, une dernière vague étudiant plus particulièrement le contrôle de l’hypertension chez le sujet âgé de plus de 80 ans.

Une collaboration des médecins au profit de la chaîne de l’espoir.

Au total, 1 278 généralistes et cardiologues ont participé à la vague 1 en sachant que la participation des médecins ne donnait pas lieu à un versement d’honoraires, la rémunération du travail effectué étant versée à La chaîne de l’espoir, afin de contribuer au financement d’une mission médico-chirurgicale au Sénégal. Un chèque de 30 000 euros a ainsi pu être remis à La chaîne de l’espoir au terme de l’étude Harmony, ce qui correspond aux 1 684 dossiers de patients recueillis lors de la vague 2 et aux 971 renvoyés au cours de la vague 3.

Un contrôle tensionnel insuffisant.

Le Dr François Dievart (Dunkerque) a présenté les résultats des vagues 1 et 2 de l’étude, ce qui permet de mesurer le hiatus qui existe entre le contrôle tensionnel fait par les médecins et la réalité de ce contrôle. En effet, 52 % des généralistes estimaient n’avoir que 20 % de patients traités non contrôlés alors que, quand on leur demande de porter un jugement sur les chiffres de pression artérielle mesurés au cours de 4 consultations, le pourcentage de patients mal contrôlés passe alors à 36,4 % et même à 66,5 % si l’on prend pour référence les critères de la HAS. Le hiatus est comparable chez les cardiologues, les pourcentages étant respectivement de 20 à 40 % pour l’appréciation des médecins, à 49,8 % à partir des cas étudiés et à 73,6 % d’après les critères de la HAS.

Il y a donc bien un décalage chez le généraliste comme chez le cardiologue entre la perception du niveau de contrôle tensionnel et la réalité, a fortiori si l’on se réfère aux recommandations de la HAS, alors même que ces dernières sont acceptées par les médecins, quand on leur pose la question.

Chez les plus de 80 ans aussi.

Le Pr Daniel Herpin (Poitiers) a montré que le 3e volet de l’enquête Harmony, incluant 974 patients âgés de plus de 80 ans, aboutit à des résultats comparables. En particulier 44 % de ces patients atteignent les objectifs tensionnels définis par l’HAS (en particulier une systolique inférieure à 150 mmHg). Comme dans l’ensemble de la population, on retrouve une surestimation du contrôle tensionnel par les cardiologues comme par les généralistes.

Chez les sujets âgés, on observe quelques petites différences entre les données fournies par les généralistes et par les cardiologues : sans surprise les patients vus par les cardiologues présentent davantage de pathologies cardio-vasculaires et d’atteintes des organes cibles même si les autres facteurs de risque sont globalement équivalents. On constate aussi que les cardiologues utilisent davantage les médicaments quelle que soit la classe, à l’exception des antagonistes de l’angiotensine II qui sont également prescrits par les généralistes et par les cardiologues. Surtout on constate que la découverte d’un mauvais contrôle tensionnel ne génère pas la même réaction chez les généralistes et chez les cardiologues : si tous renforcent les conseils hygiénodiététiques, les cardiologues modifient significativement plus souvent le traitement pharmacologique que les généralistes (respectivement 40,7 % et 24,8 % des patients (p < 0,0001) et sans surprise ils prescrivent plus souvent une mesure ambulatoire de la pression artérielle.

Des chiffres qui font dire au Pr Herpin que si la non-observance est très certainement la principale cause du mauvais contrôle tensionnel, on ne peut nier qu’il existe une certaine « inertie thérapeutique » dans le corps médical français, tout particulièrement quand il s’agit de personnes âgées : or si l’HAS stipule que l’on ne doit pas utiliser plus de 3 antihypertenseurs chez ce dernier, cela n’interdit absolument pas les associations thérapeutiques en cas de contrôle insuffisant.

(1) Conférence de presse organisée par les Laboratoires Nycomed.

Dr Alain MARIE

Source : lequotidiendumedecin.fr