Témoignage d’un médecin frontalement opposé aux génériques

« J’appose systématiquement la mention non substituable devant chaque ligne de prescription »

Publié le 02/06/2014
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Crédit photo : Phanie

LE QUOTIDIEN : Qu’est-ce qui vous a amené à cette position radicale vis-à-vis du médicament générique ?

DR X. : Si les pouvoirs publics avaient voulu faire quelque chose d’intelligent, ils auraient mis en place un tarif forfaitaire de responsabilité (TFR) pour chaque classe thérapeutique dans laquelle le médicament de référence est tombé dans le domaine public. Le problème aurait été réglé et on ne se serait pas compliqué la vie avec des génériques. On fait des copies à tout va, on ne sait rien de la qualité ni de l’origine des matières premières, pour moi le générique est loin d’être sûr ! En plus, pour les personnes âgées, il est impossible de s’y retrouver dans les génériques successifs qu’on leur délivre. Un de mes patients a pris simultanément pendant plusieurs semaines du Lasilix et deux de ses copies génériques, sans réaliser qu’il prenait trois fois le même médicament. Cela aurait été un médicament sensible, il aurait pu y rester.

Quand avez-vous commencé à mentionner « NS » systématiquement ?

Tant qu’il n’y avait pas à se bagarrer pour que mes patients aient un produit princeps, je n’ai rien fait. Mais depuis 2012 et le renforcement du dispositif tiers payant contre générique (TPCG), j’appose systématiquement la mention « non substituable » en toutes lettres devant chaque ligne de prescription. Je le fais pour que mes patients n’aient pas à faire l’avance des frais chez le pharmacien.

Votre caisse primaire d’assurance-maladie a-t-elle réagi ?

Il y a un an, j’ai été convoqué par la caisse d’Haguenau. Il y avait la sous-directrice, le médecin-conseil ; ils ont essayé de me convaincre mais ont vite compris que ce ne serait pas possible. À l’époque, ils ne m’ont pas menacé de sanctions. Il faut préciser que j’ai 67 ans. Depuis deux ans, je travaille à temps partiel trois demi-journées par semaine. J’ai un mode d’exercice particulier, car je suis généraliste en secteur II à la campagne, et je ne travaille que sur rendez-vous, consacrant environ une demi-heure par patient.

Depuis, que s’est-il passé ?

J’ai continué ma pratique, et je n’ai pas reçu d’autre courrier de ma caisse. Mais après les récentes déclarations du patron de la CNAM affirmant qu’il allait pénaliser les médecins qui abusent du « NS », comme il dit, je me pose des questions. On est quelques centaines [500 praticiens ciblés selon l’assurance-maladie NDLR], mais il paraît que nos prescriptions font exploser les comptes de la Sécu ! C’est une plaisanterie, le directeur veut juste nous mettre au pas. Ça m’inquiète, mais je me demande sur quelle base juridique ou conventionnelle il va s’appuyer pour nous poursuivre. Je pense qu’il outrepasse ses droits en interférant dans les prescriptions des médecins, et que c’est de l’intimidation.

Pourriez-vous cesser de mettre du « NS » partout ?

Non, sauf si je reçois la menace précise que ça va me retomber sur la figure. Sinon, je ne céderai pas, d’autant que mes patients sont tous violemment opposés aux génériques. Si les arguments qu’on m’oppose s’appuient sur des textes incontestables, je cesserai d’exercer et j’encouragerai vivement mes patients à continuer la résistance en refusant les génériques.

Propos recueillis par Henri de Saint Roman

Source : Le Quotidien du Médecin: 9331