Interchangeabilité ou substitution

Le casse-tête des autorités de santé

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Publié le 24/10/2016
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INTERCHANGEABILITÉ

INTERCHANGEABILITÉ
Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

Dans la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014, l'article 47 prévoyait que les pharmaciens puissent substituer les médicaments princeps par leurs biosimilaires « en initiation de traitement ou afin de permettre la continuité d'un traitement déjà initié avec le même médicament biologique similaire », sauf mention contraire du prescripteur.

Le décret d'application n'a jamais vu le jour… Et jusqu'en mai 2016, l'Agence du médicament (ANSM), était défavorable au changement de molécule en cours de traitement (interchangeabilité). Mais dans un nouvel état des lieux sur les médicaments biosimilaires, publié en mai 2016, l'Agence a fait évoluer sa position et permis l'interchangeabilité sous conditions.

« Lors du premier état des lieux sur les biosimilaires que nous avions publié en 2013, nous avions souligné que, si une substitution au moment de la primo-prescription était possible, nous ne souhaitions pas qu'un switch puisse se faire en cours de traitement, car nous estimions que nous n'avions pas assez de recul », explique Alexandre Moreau, directeur des médicaments en oncologie, hématologie et référent biosimilaires à l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).

Depuis, de nouvelles études ont permis à l'Agence d'assouplir un peu sa position. « Nous avons réaffirmé que, pour des raisons évidentes de sécurité et de traçabilité, il n'était pas souhaitable de passer d'un médicament princeps à un biosimilaire ou inversement. Mais si cette option était finalement choisie par le prescripteur, nous avons indiqué qu'il fallait respecter trois règles : prévenir le patient en lui expliquant ce qu'est un biosimilaire, faire une surveillance clinique et tracer le produit. Si ces conditions sont réunies, alors une substitution d'un médicament biologique par un biosimilaire pourrait être envisagée par le prescripteur. »

En revanche, pour l'instant, c'est le prescripteur qui resterait décisionnaire. « Avant, ni le médecin ni le pharmacien n'avaient le droit d'autoriser un switch en cours de traitement, maintenant, seul le médecin a le droit de prescrire un switch. » Alexandre Moreau n'exclut cependant pas que les pharmaciens puissent substituer à l'avenir. « Plus les études vont avancer, plus nous disposerons de données et plus nous pourrons potentiellement modifier les conditions du switch. Nous pourrons être amenés à changer notre position sur le sujet », déclare-t-il.

Les officinaux réclament des garanties

Pour Philippe Gaertner, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), cette position des pouvoirs publics pose problème. « Imaginons que les décrets parus dans la loi 2014 ne paraissent pas, le pharmacien ne pourrait pas modifier le produit, même pas à l'initiation du traitement. Dans ce cas, cela voudrait dire que le biosimilaire n'est pas un biosimilaire ! », s'insurge-t-il, un brin provocateur. « La plupart des études montrent qu'il n'y a pas de problème avec le switch », rappelle-t-il.

Il réclame trois règles pour les officinaux : « Premièrement, nous voulons les mêmes autorisations pour un pharmacien hospitalier que pour un pharmacien d'officine, car nous avons le même diplôme. Deuxièmement, le pharmacien doit pouvoir faire la substitution à l'initiation du traitement. Enfin, il faut que ce soit équilibré économiquement pour la pharmacie d'officine et que la marge biosimilaire soit égale à la marge princeps. Si nous n'obtenons ni le point 2, ni le point 3, nous deviendrions les plus grands opposants aux biosimilaires », prévient-il. À bon entendeur ! 

Anne-Gaëlle Moulun

Source : Le Quotidien du médecin: 9528