Les programmes présidentiels pour se priver de désert

Par
Publié le 18/03/2022
Article réservé aux abonnés
La lutte contre la désertification médicale figure en bonne place au sein des programmes des candidats à l'Élysée. Au-delà des incitations classiques, la tentation de la régulation, plus ou moins forte, se retrouve dans de nombreuses plateformes.
Dans la course à l'Elysée, les candidats oscillent entre incitations et régulation à l'installation

Dans la course à l'Elysée, les candidats oscillent entre incitations et régulation à l'installation
Crédit photo : PHANIE

Face aux situations de pénurie médicale et d'inégalités territoriales, contourner la liberté d’installation – ou du moins réguler les flux selon les besoins géographiques – ne fait plus peur à gauche.

La socialiste Anne Hidalgo prévoit de faire de la quatrième année d’internat de médecine générale « une année de professionnalisation » pour les jeunes… qui seront affectés dans les zones privées de médecins. Ils bénéficieraient certes dans ce cadre d'« une rémunération à 3 500 euros et d'un accompagnement ».  Selon la maire de Paris, « cela permettra dès 2022 d’envoyer 4 000 jeunes internes dans les déserts médicaux ». Si elle ne prévoit pas d'obligation à s'installer en zone sous-dense, elle n'autorisera plus de nouvelle installation dans les secteurs où il y a « pléthore » de confrères, comme la bande littorale.    

Formés grâce à l'argent public

Dans la même veine, l’écologiste Yannick Jadot assume que « lors de la dernière année d’études comme les deux premières années d’exercice, en cas de nécessité absolue, il faudra qu’il y ait des médecins qui aillent dans des déserts médicaux pour que les Français puissent se soigner ». Il défend aussi le conventionnement sélectif en zone surdense médicalement.

Ce principe d'un départ pour une arrivée dans les secteurs dits « surdotés » séduit aussi le communiste Fabien Roussel qui veut par ailleurs multiplier les centres de santé avec praticiens salariés. Nathalie Arthaud (Lutte ouvrière) considère que « les médecins se forment grâce à l’argent public ». « Je ne suis pas pour en faire les boucs émissaires de la politique désastreuse de l’État, même si, l’installation de jeunes médecins dans des zones prioritaires ne me choque pas », a-t-elle confié au « Quotidien ».

De son côté, Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise) promet de créer un « service public de santé », permettant d'avoir « des médecins salariés qui vont là où il y a des besoins ». Et dans l'urgence, il envisage un « quota d'heures » d'exercice – quatre à douze heures par mois selon les spécialités – auquel seraient soumis les professionnels dans ces centres de santé.

Honoraires majorés

Dans son plan « zéro désert de santé », la coercition n'est pas l'option affichée par Valérie Pécresse. Elle veut toutefois instaurer, elle aussi, une 4e année d'internat généraliste permettant d'affecter « 3 800 docteurs juniors » dans les maisons de santé « en priorité dans les zones en tension ». La présidente de la région francilienne propose une dotation par région de « lutte contre la désertification sanitaire » permettant d'ajuster la rémunération dans les territoires fragiles. L'objectif de Valérie Pécresse (qui veut par ailleurs revaloriser la consultation de base à 30 euros) : diviser par deux le temps moyen d'attente pour un rendez-vous médical. 

Marine Le Pen suggère de moduler le tarif de consultation selon le lieu d’installation. « Un médecin qui choisit d’exercer dans la Creuse sera mieux payé qu’un médecin qui s’installe dans une grande ville où il y a beaucoup de confrères », a précisé au « Quotidien » la présidente du RN, qui promet aussi un plan massif sur la télémédecine et la connectivité des territoires.

Éric Zemmour (Reconquête) envisage un « conventionnement spécifique » avec tarif de consultation plus élevé dans les zones en tension. Mais pour faire face à l'urgence, il promet de recruter 1 000 médecins salariés pour exercer dans les centres de santé communaux et départementaux en zone sous-dotée. Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France) propose de son côté un « vrai Smic » à tous les externes qui acceptent de s'installer « pendant leurs cinq premières années dans une zone sous-dotée » et, parallèlement, une réduction des cotisations Urssaf dans les déserts médicaux. 

Macron veut « casser » les barrières

Côté formation, les candidats se rejoignent – avec des chiffres différents – pour former plusieurs milliers de médecins supplémentaires chaque année (Hidalgo fixe l'objectif de 15 000 nouveaux, Valérie Pécresse et Éric Zemmour en annoncent 20 000…), en accroissant les capacités d'accueil des facs de médecine.  

Enfin, la lutte contre les déserts médicaux passe par des évolutions de compétences, même si les candidats se contentent ici de mesures générales. « Transferts de tâches vers les infirmiers de pratique avancée » ou « rôle de dépistage du pharmacien » (Anne Hidalgo), « montée en gamme du personnel soignant » (Marine Le Pen), carrières plus fluides et élargissement des compétences après validation des acquis de l'expérience pour les infirmières et sages-femmes (Valérie Pécresse)... : autant de propositions sur la table.  

Signe qu'il veut aller plus loin dans les délégations de tâches et l'accès direct aux paramédicaux, le candidat Emmanuel Macron promet aujourd'hui de « casser toutes les barrières pour la santé ». Son référent santé, le Dr François Braun, met en avant le chemin parcouru sur l'accès aux soins : suppression du numerus clausus qui a permis d'accueillir « 19 % en plus d'étudiants en médecine », exercice regroupé en maisons de santé, développement des IPA et des assistants médicaux, déverrouillage massif de la télémédecine… « L'obligation ne marche pas, l'incitation est la meilleure voie, résume-t-il. Les jeunes ne s'installeront que s'ils ont de bonnes conditions de travail. »

L. T.

Source : Le Quotidien du médecin