La Mayenne, tête chercheuse contre la pénurie

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Publié le 18/03/2022
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Service médical de proximité, mobilisation des médecins retraités, soutien des maisons de santé, financement incitatif de la PDS : durement touchée par la pénurie de praticiens, la Mayenne ne baisse pas les bras. Pour aller plus loin, le conseil départemental organise des états généraux de la santé. « Le Quotidien » a suivi une réunion publique à Laval.

Crédit photo : Loan Tranthimy

20 heures à l'Espace Mayenne, à Laval. Ce soir-là, le conseil départemental a invité les habitants à une réunion publique sur l'accès aux soins, organisée dans le cadre des états généraux de la santé, en Mayenne. Une petite centaine d'administrés ont répondu présents, dont plusieurs médecins.

L'heure est grave sur le plan médical et le président du conseil départemental, Olivier Richefou, recadre les enjeux. « Un peu plus de 10 % des Mayennais sont sans médecin traitant », résume-t-il. La situation de l'agglomération de Laval, qui concentre 37 % de la population du département, est alarmante avec 60 % des généralistes ayant plus de 65 ans et quelque 10 000 patients privés de médecins traitants. Les difficultés d'accès aux soins sont légion : impossibilité d'avoir un généraliste pour les nouveaux patients, délais d'attente interminables pour les spécialistes, obligation d'aller se soigner hors du département… S'ajoute à ce tableau, depuis quelques mois, la fermeture de nuit des urgences de l'hôpital, faute de médecins disponibles.

Retraités et internes à la rescousse

Le département se retrousse les manches. « Il n'est plus possible de tout miser sur les mesures prises au niveau national, d'autant qu'elles mettent en moyenne dix ans avant de produire leurs effets, analyse Olivier Richefou. Nous devons être innovants pour trouver des solutions applicables localement qui permettront à nos territoires de s'en sortir ».

Et de fait, les initiatives territoriales ne manquent pas – du soutien aux maisons de santé libérales pluripro à la formation des infirmiers en pratique avancée (IPA) en passant par la création dès 2017 d'un centre médical de proximité qui a la particularité, première du genre, d’être géré par douze médecins retraités avec le renfort d'internes en médecine générale. Et en avril 2022, le conseil départemental va soutenir l'ouverture du service médical de proximité (SMP) pour les habitants de l'ouest de l'agglomération de Laval. Sept médecins investiront les petites communes du Genest-Saint-Isle et de Saint-Pierre-la-Cour. Les consultations seront destinées en priorité aux habitants sans médecin traitant. 

« Des gens vont mourir faute d'être dépistés »

Malgré ces efforts, le Dr Denis Wahl, 65 ans, généraliste à Laval, présent à la soirée, ne cache pas sa colère. « On était 40 généralistes sur Laval, aujourd'hui on n'est plus que 25, confie-t-il. Il y a trois généralistes qui s'installent pour quatre à cinq qui partent. C'est catastrophique si on ne prend pas des mesures pour inciter les jeunes à venir ». Son confrère généraliste, le Dr Dominique Demange, 65 ans, n'est pas en reste. « La mairie nous a aidés financièrement en 2015 pour la maison de santé sur le plan immobilier, c'est bien mais ce n'est pas suffisant », dit-il.

Venue de la Sarthe voisine, la Dr Laure Artru est amère. La rhumatologue du Mans explique que, dans son département, 60 000 à 80 000 Sarthois sont privés de médecin traitant, soit 14 % de la population. « Je le constate plusieurs fois par semaine, martèle la présidente de l'antenne locale de l'association des citoyens contre les déserts médicaux (ACCDM). Des vies sont raccourcies, des gens vont mourir faute d’être dépistés pour un diabète, un cancer, une souffrance psychologique. »

Créée en 2016, cette association presse l'État de prendre des mesures contraignantes à l'installation. « On ne demande pas aux jeunes médecins de travailler 80 heures par semaine comme leurs aînés, justifie la spécialiste. On ne peut pas non plus les obliger à vivre dans une région ou une autre. Mais on peut limiter leur installation là où ils sont les plus nombreux. Il faut avoir du courage politique ». 

Ce n'est pas le député Guillaume Garot qui la contredira. Avocat de la coercition, l'élu socialiste est formel. « Les patients vont aux urgences car ils n'ont pas de médecin traitant. La bonne répartition des médecins est la clé de tout, on a donc besoin de changer nos règles d'installation », lance-t-il. « Ce sont des études payées avec les deniers du contribuable, abonde une professeure d'école. Pourquoi on ne peut pas les obliger à rester au moins cinq ans ? »

Livre blanc

Mais ce soir-là, la régulation n'a pas le vent en poupe. « Les collectivités territoriales n'ont pas la main sur ce type de mesures », recadre Olivier Richefou.

Durant une heure, les échanges auront été riches. Téléconsultations dans les zones rurales, partage des tâches avec les paramédicaux et les pharmaciens, meilleure éducation des patients, aides aux logement pour les internes, etc. : les idées ne manquent pas. La prévention est à l'honneur : on propose de mieux former les citoyens à l'activité physique et à l'alimentation saine afin de les responsabiliser dans leur parcours de santé. Autre piste : recruter des médiateurs (dans chaque maison de santé) pour accompagner et orienter les patients. Pour désengorger les urgences, certains réclament une structure de type SOS au niveau de l'agglomération de Laval, et une information plus lisible sur le système de garde du département. C'est promis, une synthèse des travaux sera présentée sous la forme d'un livre blanc fin mars.

Loan Tranthimy

Source : Le Quotidien du médecin