Pénurie médicale : l'hôpital d'Auxerre étouffé par l'intérim

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Publié le 04/05/2016
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Comment attirer un praticien hospitalier (PH) dans la diagonale du vide et lui donner envie d'y rester ? Pascal Gouin aimerait bien le savoir. Le directeur général du centre hospitalier d'Auxerre (Yonne, 594 lits) est confronté à une situation ubuesque mais pas si rare dans le monde hospitalier : l'obligation de faire appel à des praticiens intérimaires pour faire tourner son hôpital, des professionnels qui pèsent lourdement sur son budget au point de mettre en péril l'équilibre financier de l'établissement. 

Le manque d'attractivité à l'hôpital est un combat récurrent des syndicats de praticiens, qui attendent toujours la concrétisation du rapport Le Menn à ce sujet. En France, un poste de PH sur quatre est vacant. L'hôpital d'Auxerre n'échappe pas à cette règle.

En pédiatrie/néonatalogie, le directeur a eu beau diviser par deux le nombre de lits, un PH sur deux manque toujours à l'appel. Dans les autres grands services, trois anesthésistes, deux réanimateurs, deux radiologues, deux neurologues et deux gynécologues-obstétriciens complètent ce sombre tableau de praticiens vacants. Aux urgences, 12 postes sur 28 sont en déshérence. Pourtant, les PH ne chôment pas. Le nombre de passages aux urgences pédiatriques a plus que doublé en sept ans. La désertification médicale fait aussi des ravages en ville. Le département compte 26 % de médecins généralistes en moins par rapport à 2007.

Pour assurer la continuité des soins, l'hôpital a dû, année après année, augmenter son enveloppe consacrée à l'intérim. De 1,9 million d'euros en 2013, l'établissement a prévu de dépenser de 4,5 à 5 millions d'euros en 2016, soit 3 % de son budget. Un urgentiste intérimaire coûte 850 euros par jour à l'hôpital, un anesthésiste 1 100 euros.    

C'est presque quatre fois plus que le coût d'une journée de travail d'un PH en fin de carrière (environ 300 euros). Une situation jugée « archi-déraisonnable » par le directeur, surtout au regard de la baisse des tarifs et de l'activité médicale qui « fragilisent » l'hôpital. « L'intérim est une double menace pour la continuité des soins, précise Pascal Gouin. En pratique et en investissement, les intérimaires se différencient des PH en poste. Et tous ne se valent pas. »

La solution de la coercition

Pour réduire le coût global des médecins mercenaires, évalué à 500 millions d'euros par an par l'ex-député socialiste Olivier Véran, le gouvernement compte encadrer l'intérim médical par un plafond de rémunération (à définir par décret). La loi de santé prévoit également la création d'un nouveau corps de remplaçants et une vérification renforcée des autorisations d'exercice de ces PH intérimaires.

Mais face à ces mesures, le directeur du CH d'Auxerre demeure sceptique. Pour Pascal Gouin, la solution réside davantage dans la coopération médicale avec le CHU voisin de Dijon, mais aussi dans une régulation plus autoritaire en matière de démographie. En échange de leur formation, les internes devraient servir plusieurs années dans cette région. « Ce serait une mesure de bon sens », insiste-t-il. Une idée que rejettent avec force les syndicats de jeunes médecins et de libéraux.

La CGT de l'hôpital a réclamé à l'agence régionale de santé (ARS) Bourgogne Franche-Comté une aide exceptionnelle pour pallier les dérives de l'intérim. Consciente du problème, l'ARS a toutefois opposé une fin de non-recevoir à cette requête. Et invité le syndicat à espérer un avenir plus radieux sous le soleil des futurs groupements hospitaliers de territoire (GHT).


Source : lequotidiendumedecin.fr