UNE ANNÉE chasse l’autre. Le cru des revenus 2007 avait été exceptionnel (+9 %) ; l’exercice 2008 a été médiocre, voire mauvais pour la médecine générale et, d’une façon générale, les « cliniciens ».
Selon les chiffres indiscutables de la CARMF (Caisse autonome de retraite des médecins de France), en ligne depuis peu sur son site internet (1), et qui ont le mérite de distinguer le secteur I et le secteur II, les bénéfices non commerciaux (BNC) moyens des 110 000 médecins libéraux ont globalement stagné en 2008 (0,14 % par rapport à 2007), à 81 791 euros (tous secteurs confondus). La CARMF précise à juste titre que, si l’ont tient compte de la légère inflation en 2008 (1 %), les revenus nets sont même… en régression. Le Dr Gérard Maudrux, président de la CARMF, n’est pas trop surpris par ce tableau général. « Cette stagnation en pleine crise financière est assez conforme à la situation qu’on vécue un grand nombre de Français. Les médecins ne sont ni privilégiés, ni défavorisés. Si on avait eu une hausse moyenne de 5 %, ça aurait choqué pas mal de monde… »
Cette moyenne de 81 000 euros masque de considérables disparités. D’abord entre les secteurs I et II puisque le BNC des médecins libéraux à tarifs opposables est de 77 554 euros contre 96 724 euros pour les praticiens qui exercent en honoraires libres. Les inégalités sont surtout très marquées – mais ce n’est pas une surprise – entre les disciplines. Quand les quelque 60 000 généralistes émargent à 69 403 euros, les revenus moyens des « autres » spécialistes frôlent les 98 000 euros avec, au sein de ces spécialités, des écarts qui vont du simple au triple (156 722 euros pour l’anesthésiste, 46 974 euros pour l’endocrinologue).
Les évolutions d’une année sur l’autre, surtout, sont significatives.
Comme nous l’annoncions dès septembre 2009, sur la foi du bilan fiscal partiel des associations de gestion agréées (AGA), ce sont les généralistes et, d’une façon générale, les cliniciens, souvent déjà au bas de l’échelle des revenus, qui ont « trinqué ». La CARMF, qui dispose de la quasi-totalité des déclarations, confirme ce diagnostic. Les généralistes ont ainsi vu leur revenus nets baisser de 0,47 % en 2008 après le bond de leur BNC 2007 (+ 12 %) tiré par la revalorisation du C. Pour 2008, blocage tarifaire et stagnation des volumes d’actes expliquent la situation. La baisse concerne aussi bien les généralistes de secteur I (- 0,49 %) que ceux en secteur II (- 0,70 %). Indiscutablement, la CARMF (qui n’a guère fait de publicité autour de ces données en plein conflit tarifaire) apporte de l’eau au moulin de la médecine générale dans son combat pour des revalorisations. « Disons que ces chiffres ne sont pas en défaveur du C à 23 euros… », admet le Dr Maudrux.
Pas de rééquilibrage.
Côté spécialités, la progression générale moyenne des revenus nets reste très modeste (0,6 %), légèrement meilleure en secteur II (1,1 %). « Quand on regarde attentivement les choses, les médecins de secteur II n’ont pas profité de leur liberté tarifaire pour accroître leurs revenus », tranche le Dr Maudrux, à contre-courant de certains discours sur l’explosion des dépassements abusifs.
Plusieurs spécialités cliniques subissent des pertes nettes, comme les pédiatres (- 2,2 %), les pneumologues (- 0,24 %) et les rhumatologues (- 0,8 %), ou voient leurs revenus stagner comme les psychiatres. A l’inverse, certains tirent leur épingle du jeu au premier rang desquels les néphrologues (+ 8,5 % mais sur des effectifs limités de 317 praticiens), la cancérologues et ophtalmologistes (+ 3,8 %). Ceux qui essuient les plus fortes baisses sont les médecins nucléaires (- 14 %), hématologues (- 7,7 %) et les médecins biologistes (- 4,7 %).
Au final, cette livraison de la CARMF conforte les avocats d’un « rééquilibrage » des revenus entre les différentes spécialités, au profit des disciplines cliniques. La fameuse « CCAM » (classification commune des actes médicaux techniques), en attendant son versant clinique (réforme des consultations), ne permet pas en l’état de corriger les écarts les plus marquants. Le Dr Maudrux nuance quelque peu. « La CCAM ne joue pas son rôle dans la mesure où elle ne permet pas les rattrapages indispensables au bénéfice des revenus les plus bas. Mais on voit quand même quelques corrections à la baisse s’opérer dans les spécialités les mieux loties. Disons que c’est peut mieux faire ! ». Des corrections accentuées, surtout, par certaines mesures gouvernementales unilatérales (baisses de tarifs) comme chez les radiologues (- 3,4 %) et les médecins biologistes (- 4,7 %).
Quant à l’effet « désertification » dans certaines spécialités, qui obligerait à une suractivité (pour les rares praticiens qui restent), il semble encore limité. Mais, affirme le Dr Maudrux, ce n’est que partie remise. « Dans les deux ou trois années qui viennent, on aura de vraies situations de pénurie dans certaines disciplines et certaines zones géographiques qui entraînera des pics d’activité. »
(1) www.carmf.fr (les chiffres sont issus des déclarations d’impôt des praticiens libéraux – il s’agit du revenu net imposable).
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