Contrat à durée déterminée : des règles strictes d’utilisation

Publié le 15/01/2021
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Le recours à un CDD peut apparaître bien commode à un employeur qui, pour une raison ou pour une autre, hésite à embaucher définitivement. Mais attention, le cadre de ces contrats courts est très strict et les requalifications en CDI pas si rares… Avec les conséquences financières parfois lourdes que cela comporte.

Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

Vous avez décidé d’engager une secrétaire. Mais comment savoir si la salariée correspondra au poste ? Certes, une période d’essai est prévue dans le contrat de travail mais en pratique, compte tenu de la durée du préavis, elle ne dépasse pas deux mois, ce qui est très bref pour juger votre future secrétaire.

Vous pouvez alors avoir la tentation de signer avec elle un « contrat à durée déterminée », de six mois par exemple, que vous transformerez en « contrat à durée indéterminée » au terme du CDD si vous décidez de garder la salariée. Nous allons voir que ce n’est pas toujours une bonne idée !

Les règles

Le problème, en effet, c’est l’article L.1242-1 du code du travail qui énonce que : « Un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise. » Et l’article L.1242-2 donne – limitativement – les cas où l’on peut conclure un CDD.

Parmi ceux-ci, un des seuls applicables aux cabinets médicaux est le « remplacement d’un salarié en cas d’absence » ou de suspension du contrat de travail et ce, quel que soit le motif de l’absence : maladie, congés payés, congé de maternité, congé parental, etc.

Autre situation permettant de conclure un CDD : « l’accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise », ce qui n’est pas fréquent dans un cabinet médical. Ce sera le cas par exemple dans les stations de sports d’hiver ou dans les stations balnéaires pendant la saison touristique.

Enfin, si vous embauchez une salariée mais si elle ne peut prendre son poste que dans plusieurs mois, vous pouvez engager temporairement une autre salariée en lui faisant signer un CDD.

Les risques

Mais quels sont les risques encourus si, malgré tout, vous concluez un CDD en dehors des cas prévus ? Il y a tout d’abord le risque pénal - hypothétique - d’une amende pouvant aller jusqu’à 3 750 euros et, en cas de récidive, jusqu’à 7 500 euros et six mois de prison ! Mais le véritable risque est celui de la « requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ». Si le tribunal des prud’hommes est saisi par le salarié, il peut modifier la nature du contrat et le transformer en CDI. Et cela, bien que le salarié ait accepté à la signature du contrat son caractère de CDD. Et même si à cette date, il avait refusé de signer un CDI.

Les conséquences de cette requalification vont être lourdes. Tout d’abord, le juge va accorder au salarié une « indemnité de requalification » égale au minimum à un mois de salaire… En outre, le contrat va être considéré comme étant à durée indéterminée depuis le jour de sa signature. Ce sont donc les règles régissant les CDI qui vont s’appliquer immédiatement et, notamment, celles concernant la rupture du contrat. Deux situations peuvent alors se présenter.

Si le terme du contrat est passé, les prud’hommes vont considérer qu’il n’y a pas eu respect de la procédure de licenciement, (ce qui, pour commencer, entraîne à titre de sanction le versement d’un mois de salaire), et surtout, que la rupture du contrat constitue un « licenciement sans cause réelle ni sérieuse ». Le tribunal va alors vous condamner à verser au salarié une indemnité qui sera au minimum égale à l’indemnité de licenciement.

Si le contrat est en cours d’exécution, vous ne pourrez y mettre fin qu’en respectant les règles de rupture du CDI (entretien préalable, lettre de licenciement motivée, etc.) et en invoquant une cause réelle et sérieuse de licenciement, cause qui a de grandes chances d’être contestée par le salarié !

Mais ce n’est pas terminé. Le tribunal des prud’hommes peut requalifier le CDD en CDI dans d’autres cas, avec les conséquences que nous venons de voir, notamment en cas d’omission de certaines clauses dans le contrat de travail ou de poursuite du contrat après l’arrivée du terme.

En effet, le contrat à durée déterminée doit impérativement comporter, outre les mentions prévues pour le contrat à durée indéterminée : le motif du CDD, le nom du salarié remplacé, la date du terme s’il comporte un terme précis, la durée minimale du contrat s’il ne comporte pas de terme précis.

Si le contrat ne mentionne pas le motif ou le nom du salarié ou la durée minimale et si le salarié le demande, le tribunal est tenu de requalifier le CDD en CDI.

Conclusion : faites vous conseiller avant de signer un CDD !

Jacques Gaston–Carrère jgastoncarrere@orange.fr

Source : Le Quotidien du médecin