Interdiction d'exercice pendant 5 ans et lourdes pénalités : à Nîmes, un généraliste condamné pour une fraude massive à la carte Vitale

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Publié le 18/06/2021

Crédit photo : Phanie

Avec 447 798 euros de recettes enregistrées en 2017, le Dr Jean B., 64 ans, affichait le plus important chiffre d’affaires du Gard pour un généraliste !

Installé dans le quartier Pissevin, où vit une population en grande partie bénéficiaire de la CMU, ce médecin nîmois – toujours en exercice – disposait d’une patientèle de 4 200 patients contre 1 300 en moyenne pour ses confrères du département qui réalisent, eux, 130 000 euros de chiffre d’affaires en moyenne.

Cette suractivité a déclenché – pour une période allant de 2016 à 2019 – une enquête de la Caisse primaire d’assurance-maladie (CPAM), puis de la justice. Et jeudi, le tribunal correctionnel a condamné le médecin généraliste pour escroquerie à la Sécurité sociale. La peine prononcée est lourde pour ce genre d'affaires : 150 000 euros d'amendes, pénalité à laquelle s’ajoutent près de 200 000 euros de dommages et intérêts à verser à la CPAM et surtout cinq années d’interdiction d’exercice de la médecine.

73 consultations par jour, journées de 18 heures…

L’absence volontaire du Dr B. à l’audience a sans doute pesé sur la décision du tribunal correctionnel qui n’a pu entendre directement les justifications du médecin, sinon par la voix de son avocat, Me Vidal.

Dans les faits, le médecin de famille affichait en 2017 environ 73 consultations par jour. Il enregistrait ainsi « des journées de travail de l’ordre de 18 heures en admettant que chaque consultation durait 15 minutes », a souligné le procureur Stanislas Vallat. Or, le cabinet n’était à l’époque ouvert que 18 heures… « par semaine », selon l’Assurance-maladie.

Détournement de carte Vitale

Quant au mode opératoire employé par le médecin, l’enquête de la CPAM a mis en lumière que, régulièrement, l’ensemble des membres d’une famille présents sur une seule carte Vitale étaient facturés le même jour quand bien même tous n’étaient pas présents au cabinet. Une situation contestée par l’avocat du médecin.

Fait troublant : lorsque, entre 2016 et 2019, le Dr B. était remplacé, son chiffre d’affaires du cabinet chutait brutalement pour entrer dans la norme. « Les statistiques ne permettent pas de condamner, elles ne peuvent pas motiver une sanction pénale. Mon client est un bosseur », a balayé l'avocat en l’absence de son client. Une absence peu appréciée au demeurant par le tribunal. « Je tiens à vous faire part de mon mécontentement car j’avais des questions à lui poser », s’est agacé le juge Jean-Michel Perez.

Impossible de tout vérifier

Pour la caisse primaire, la cause est entendue. Le généraliste nîmois a, sur une période de trois ans, grugé la caisse pour un montant global évalué à 200 000 euros. Une somme ronde qui a interpellé la défense mais que la Sécu justifie par la voix de son avocate Me Julie Castor : « Vu le nombre de consultations quotidiennes déclarées, il est impossible pour la CPAM de vérifier que chacun de ces actes est régulier et non fictif. »

Pour le conseil du généraliste, l’enquête de l'Assurance-maladie n’est pas probante. « La CPAM est une partie comme une autre au procès, a-t-il argumenté. Vous ne pouvez pas retenir les éléments de la caisse primaire comme parole d’évangile. Ces deux agents ont-ils pouvoir de mener des auditions au-delà des limites de leurs compétences ? Ont-ils le pouvoir de se substituer à la police ? Je dis non. Pour effectuer un contrôle administratif, il faut des agents de la CPAM agréés et assermentés. Ils ne le sont pas. » Avancée avec brio et sans emphase, la plaidoirie qui visait la relaxe n’a toutefois pas atteint son but. 

De notre correspondant à Montpellier Guillaume Mollaret

Source : lequotidiendumedecin.fr