Cabinet saccagé, intimidation sur les réseaux sociaux, menace physique ou bousculade : les généralistes britanniques font face à une augmentation sans précédent des agressions. En cinq ans, les violences envers les médecins de famille ont quasiment doublé, selon une enquête publiée le 31 mai dans le British Medical Journal (BMJ).
Pour mettre au jour ces chiffres « épouvantables », selon les représentants syndicaux des généralistes britanniques, le BMJ a demandé aux forces de police territoriale – 45 équipes reparties sur les différents comtés et villes anglaises – d’accéder à leurs dossiers, qui recensent tous les faits délictuels dans les cabinets médicaux. 71 % des forces policières « étaient en mesure de fournir des données complètes et comparables pour les cinq dernières années », indique le BMJ.
« L'individu a défoncé la porte »
Au total, 1 068 faits de violence ont été recensés pour 2021/2022 dans les centres de santé et cabinets médicaux du Royaume-Uni. Un chiffre multiplié par deux par rapport à 2017/2018, où seuls 586 délits de « violence vers la personne » avaient été signalés. 182 agressions ont entraîné des blessures envers le médecin ou son collaborateur, le double de 2017. « J'ai eu quelqu'un qui a menacé de descendre et de me poignarder », témoigne un généraliste au BMJ.
Le Dr Alan Stout, généraliste dans l'est de Belfast et président du comité des médecins généralistes d'Irlande du Nord, raconte lui aussi : « Tout a commencé par une consultation téléphonique : un patient cherchait des médicaments supplémentaires. Il est devenu progressivement plus agressif, et cela a abouti à ce qu'il dise qu'il allait blesser quelqu'un. Nous avons donc verrouillé la porte d'entrée. L'individu est alors apparu, a défoncé la porte d'entrée et a fait irruption, puis a commencé à attaquer la porte et la fenêtre de la réception. »
Assauts sur les réseaux sociaux
Généralistes agressés, salles d’attente saccagées, personnel insulté mais aussi intimidations : la pandémie a accentué le harcèlement et les violences à l'encontre des praticiens mais aussi les « communications malveillantes qui peuvent inclure l’envoi de lettres ou d’e-mails », affirme la revue.
Les faits d’intimidation ont même triplé dans les cabinets médicaux depuis cinq ans, passant de 85 en 2017 à 223 l’an dernier. « La dernière fois que nous avons dû appeler la police, c'était à cause d'une personne ne portant pas de masque. Il m'a poussé dans la poitrine », se souvient un généraliste.
Les médecins de famille interrogés dénoncent par ailleurs des « abus » de plus en plus ciblés sur les réseaux sociaux, la plupart du temps émis par des utilisateurs anonymes de Twitter. Au point que certains cabinets de GP's ont été contraints d’enlever les photos et les noms de leurs employés de leur site internet. Selon les représentants syndicaux des confrères anglais, certains médias auraient mis de l’huile sur le feu « en perpétuant l’idée que les généralistes étaient fermés » pendant la pandémie.
Démissions
« Nous comprenons les frustrations des patients et leur mécontentement face aux retards de soins, mais ces frustrations doivent être canalisées pour demander des comptes aux gouvernements afin qu'ils investissent de manière appropriée dans la médecine générale et résolvent ces problèmes systémiques, et non sur leurs généralistes et le personnel », souffle le Dr Richard van Mellaerts, généraliste du sud-ouest londonien et directeur général du comité généraliste de la British Medical association (BMA).
D’autant que ces violences ne font qu’aggraver la pénurie médicale, à laquelle fait face le Royaume-Uni. « Un cercle vicieux », selon le BMJ. Dans son propre cabinet, le Dr van Mellaerts le confirme : « Nous avions deux membres du personnel d'accueil qui sont tous les deux partis dans les quinze jours car ils ne supportaient pas la façon dont leur parlaient les patients tous les jours au téléphone et en face-à-face. »
Doubler la peine des agresseurs
À la publication de l’enquête du BMJ, le ministère de la Santé britannique a mis en avant son plan pour protéger les soignants, « notamment en adoptant une législation visant à doubler la peine maximale pour les agressions contre les travailleurs des services d’urgence ». Cette augmentation de peine a déjà été expérimentée en 2020, puis déployée plus largement. « Des mesures de sécurité, notamment la vidéosurveillance, des boutons de panique et des écrans à la réception, ont également été déployées dans les cabinets médicaux », souligne le ministère.
Il y a quelques semaines, la conférence annuelle des comités locaux des généralistes du NHS avait proposé que les cabinets puissent retirer « immédiatement » de leur liste de patients ceux qui « maltraitent » les médecins de famille et leurs équipes, « y compris verbalement ».
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