Si la ROSP s'applique en premier lieu aux quelque 50 000 généralistes libéraux (qui viennent de percevoir une prime moyenne de 4915 euros au titre de 2018), et dans une moindre mesure à trois spécialités (cardiologues, gastro-entérologues et depuis 2018 endocrinologues), d'autres disciplines manifestent un intérêt croissant.
Ce type de mécanisme a le vent en poupe. La diversification des modes de rémunération (à la qualité notamment) est prônée par le rapport Aubert sur la réforme du financement. Et dans nos colonnes (« Le Quotidien » du 25 avril), le directeur général de l'assurance-maladie Nicolas Revel n'a pas écarté l'idée d'un élargissement de la ROSP à d'autres spécialités, à condition de trouver « les indicateurs pertinents et spécifiques ». « Nous en parlerons avec les syndicats », confie-t-il.
Prudence des endocrinos
À ce stade, les rares spécialités bénéficiant de la ROSP affichent des résultats inégaux. Les cardiologues, inclus depuis 2012, ont perçu 2 146 euros en moyenne au titre de 2018. Un « bonus » en hausse (1 726 euros pour 2017) mais qui ne doit pas masquer certains résultats « contrastés » (par exemple la prescription de statines dans le répertoire est mal orientée). Pour les cardiologues, l'ensemble des indicateurs de prévention s'améliorent, insiste toutefois la CNAM.
De leur côté, les quelque gastro-entérologues concernés ont perçu en moyenne 1 405 euros pour 2018, une prime quasiment stable (1 486 euros un an plus tôt). Là encore, les résultats de santé publique sont bien orientés sur la prévention, plus inégaux sur le suivi des pathologies chroniques.
Quant à la ROSP des endocrinologues, en vigueur depuis 2018 et dont le premier versement interviendra en juin, elle pourrait atteindre 2 380 euros au maximum... Le Syndicat des médecins spécialistes en endocrinologie, diabète, maladies métaboliques et nutrition (SEDMEN) reste prudent. « Pour cette première année, nous ne nous attendons pas à quelque chose d'extraordinaire, glisse le Dr François Moreau, son président. Certains indicateurs ne reflètent pas notre pratique, par exemple sur les cytologies. Et nous aurions aimé un indicateur sur la nutrition ou la prise en charge des obésités morbides, au cœur de notre expertise. »
Les rhumatos sont prêts
Mais le mouvement est réel. « J'ai plusieurs spécialités qui réclament une ROSP, admet le Dr Patrick Gasser, président des Spé-CSMF. Même si je ne suis pas un fervent défenseur, je m'engage à accompagner le projet quand une verticalité veut y aller. Hélas, souvent la ROSP n'est vue que comme une rémunération supplémentaire, or ce n'est pas la bonne solution… ».
De fait, l'argument financier est volontiers cité par les verticalités qui souhaitent entrer dans la ROSP. « Il serait préférable d'augmenter le tarif de la consultation spécialiste, l'une des plus basses d'Europe. Mais certaines spécialités en difficulté financière peuvent y voir un moyen d'améliorer leurs revenus », reconnaît le Dr Sophie Bauer, secrétaire générale du Syndicat des médecins libéraux (SML).
C'est le cas des rhumatologues dont le bénéfice moyen (81 000 euros pour 2017, selon la CARMF) baisse depuis plusieurs années. « Une ROSP permettrait de renforcer notre attractivité et de continuer à créer des vocations chez les jeunes, assume le Dr Christian Augareils, à la tête du Syndicat national des médecins rhumatologues (SNMR). Nous avons établi une liste d'indicateurs qui est prête, par exemple sur le suivi de pathologies chroniques comme les rhumatismes inflammatoires, l'ostéoporose, l'arthrose. » La structure attend une réponse de la CNAM.
Accord de principe pour les biologistes
Habitués aux décotes tarifaires, les biologistes médicaux, qui ont accepté un nouveau protocole d'économies, ont utilisé cet argument pour obtenir une ROSP spécifique. « Le principe a été accepté par la CNAM, assure le Dr Lionel Barrand, président du Syndicat des jeunes biologistes médicaux (SJBM). Nous travaillons à définir des indicateurs qui pourraient amener un changement de pratiques, comme la bonne réalisation des bilans thyroïdiens, une meilleure efficience dans la stratégie d'utilisation des antibiotiques ou encore l'augmentation du calcul de scores de risques de pathologies chroniques ».
Autre spécialité intéressée, la gynécologie médicale, en déshérence. Pour le Dr Lydia Marié-Scemama, présidente du Syndicat des gynécologues et obstétriciens libéraux (SGOL), une ROSP dédiée « permettrait aux gynécologues médicaux d'éviter de faire de l'abattage pour vivre ». « En secteur I, ils ne s'en sortent pas ! L'introduction d'un autre mode de rémunération permettrait d'améliorer les choses, en y faisant entrer de petits actes comme le frottis, l'hystéroscopie diagnostique », précise-t-elle.
Les spécialistes ont encore de la marge pour que la rémunération sur objectifs s'impose dans leur paysage. En 2018, la ROSP a représenté un investissement global de 266,7 millions d'euros pour l'assurance-maladie... dont seulement 12,1 millions pour celles des cardiologues et gastro-entérologues.
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