Les témoignages des experts

Publié le 15/01/2009
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LE TRIBUNAL correctionnel de Paris a estimé que, à l'époque des faits, les connaissances scientifiques ne leur permettaient pas d'établir avec certitude le risque de contamination. Selon Jeanne Goerrian, mère d'Éric mort en 1994 et présidente de l'Association des victimes de l'hormone de croissance (AVHC), le verdict prouve « la toute puissance » du corps médical.

Son association avait contesté le rapport de l’INSERM (« le Quotidien » du 7 mars 2005) auquel avaient contribué neuf experts internationaux dont le Pr Stanley Prusiner et qui à la question « aurait-on pu éviter cette catastrophe ? » avait rétrospectivement répondu par la négative jugeant qu’il n’était « pas raisonnable d'attendre des acteurs impliqués dans la production de l'hGH, qui n'avaient pratiquement aucun échange avec ceux du monde de la recherche sur les prions, qu'ils aient deviné d'eux-mêmes le risque possible de transmission de la MCJ à cause d'un traitement qui était utilisé depuis les années 1960 sans aucun incident, ni signe qu'un tel accident malheureux pouvait se produire ». Le rapport concluait que la catastrophe sanitaire était « le résultat de l'ignorance et non de la négligence ».

Au cours du procès, le Pr Prusiner avait aussi mis l’accent sur les balbutiements des connaissances, demandant pardon, au nom de la communauté scientifique, pour ne pas avoir découvert plus tôt le prion. Jeanne Brugère-Picoux, vétérinaire, professeur à l’École nationale de Maisons-Alfort, spécialistes des encéphalopathies spongiformes subaiguës transmissibles et du prion appelée, elle aussi, à témoigner, avait expliqué que les premiers cas humains d’ESST d’origine iatrogène ont été signalés à partir de 1974 et que les données relatives à la transmissibilité des ESST n’ont pas été prises en compte aussi rapidement que dans d’autres pays. Toutefois, elle soulignait : « Il ne faut pas oublier que la MCJ était à l’époque une maladie rare et rencontrée principalement chez des sujets âgés (même si la première description en 1920 concernait une personne âgée de 20 ans). Il n’est donc pas étonnant que les pédiatres prescrivant l’hormone de croissance pouvaient méconnaître ce risque iatrogène avant 1985. Pour tous, parents comme prescripteurs, le renom de l’organisme producteur ne pouvait pas laisser imaginer qu’il y avait eu une telle négligence » (« le Quotidien » du 3 mars 2008) .

Entre 1983 et 1985 .

C’est à partir du décès en juin 1985, à la suite du premier décès par MJC aux États-Unis que la sécurité de l’hormone extractive a été améliorée par l’introduction d’une étape de traitement par l’urée dans le procédé de fabrication. L’hormone extractive a été remplacée par une hormone synthétique en 1988. Entre 1960 et 1988, 1 688 jeunes ont subi un traitement à partir d’hypophyses humaines prélevées sur des cadavres. Le Pr Thierry Billette de Villemeur, a au cours du procès soulevé une interrogation demeurée sans réponse : « Quand on recoupe les cas de décès, tous ont reçu de l’hormone de croissance de novembre 1963 à juin 1985. Aucun enfant dont le traitement s’est terminé avant novembre 1983 n’a été contaminé ». Les contaminations se sont arrêtées en 1985.

 Dr LYDIA ARCHIMÈDE

Source : lequotidiendumedecin.fr