Hémorragie, perforation, ischémie

Les pièges de l’abdomen aigu grave

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Publié le 30/10/2020
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Douleurs, contracture, choc septique ou hémorragique : le scanner est l’examen clef du syndrome abdominal aigu. Avec de grandes causes classiques mais d’autres moins fréquentes qui doivent être connues.
Le scanner est l'examen de choix

Le scanner est l'examen de choix
Crédit photo : phanie

Les perforations abdominales les plus fréquentes face à un syndrome abdominal aigu sont causées par une diverticulite ou un ulcère gastroduodénal (UGD), préférentiellement au niveau du bulbe duodénal. La tomodensitométrie (TDM) abdominopelvienne doit localiser la perforation pour permettre le choix de la voie d’abord et rechercher des signes de péritonite. En réalité, c’est l’appendicite qui se perfore le plus souvent, mais elle n’est généralement pas incluse dans ce cadre car elle donne rarement lieu à un pneumopéritoine important.

Lorsque la cause n’est pas évidente, il faut au moins localiser la perforation, indiquée par la proximité avec la collection hydroaérique. En présence de matériel extrinsèque (drain péritonéal, sonde de gastrostomie, de dialyse péritonéale, urinaire, etc.) il faut toujours rechercher en premier à ce niveau.

En postopératoire, le pneumopéritoine peut persister jusqu’à 3 semaines. Il n’a pas de signification pathologique s’il est isolé, mais une plaie digestive (grêle, sites d’anastomose) doit être suspectée devant une collection hydroaérique mésentérique, un rehaussement du signal des feuillets péritonéaux, des anses digestives épaissies.

La perforation sur fécalome est liée à l’agression directe mécanique par les matières dures ou à une ischémie focale secondaire à la distension chronique.

« Rappelons l’extrême gravité de la péritonite stercorale, quasi pathognomonique d’une perforation colique, la perforation d’un diverticule du grêle étant bien plus rare », souligne la Pr Ingrid Millet (Montpellier)

Ischémie : savoir reconnaître le mécanisme

Toute suspicion de nécrose abdominale impose la TDM en urgence. « On attend de disposer aux urgences de l’imagerie spectrale (TDM à double énergie), qui permet d’obtenir une bien meilleure visibilité », note le Pr Éric Delabrousse (Besançon).

Les mécanismes de l’ischémie sont triples :

− Strangulation sur bride avec anse fermée, sur volvulus, par incarcération du grêle dans une hernie externe ou interne, plus difficile à diagnostiquer et impliquant plus souvent le colon que le grêle ;

− Thrombose, embolie ou dissection de l’artère mésentérique supérieure. Les ischémies veineuses sont moins fréquentes et peuvent être traitées médicalement ;

− Ischémies sans obstacle par bas débit systémique, cause fréquente après une intervention importante.

Le contexte clinique est indispensable pour une bonne interprétation de l’imagerie, et on sait maintenant l’importance pour le diagnostic d’infarctus mésentérique de tenir compte du taux de lactates.

Hémopéritoine : le terrain, toujours le terrain

Le diagnostic de l’hémopéritoine repose sur le scanner avec et sans injection et avec des clichés tardifs pour voir l’évolution de la fuite de produit de contraste et « éliminer les faux négatifs de saignements non vus au temps artériel en raison d’un spasme, d’une vasoconstriction ou d’un faible débit », explique la Dr Anita Paisant (CHU d’Angers).

Les hémorragies rétro- ou pré-péritonéales sont généralement contenues et de volume moindre que les hémorragies intrapéritonéales qui peuvent être libres et souvent cataclysmiques.

Le scanner mesure le volume de l’épanchement de façon semi-quantitative, évalue si le saignement est actif ou non, artériel ou veineux, sa localisation et celle du vaisseau qui saigne. Il peut aussi mettre en évidence des signes de choc hémorragique.  

Chez la femme, on recherche une rupture de kyste ovarien et, si elle est enceinte, une grossesse extra-utérine (GEU), un placenta accreta, une rupture utérine.

La rupture d’une tumeur bénigne ou maligne hépatique est rare.

Les ruptures de rate spontanées sont peu fréquentes, et surviennent généralement sur une rate pathologique, qu’elles révèlent cependant rarement. Elles surviennent parfois en deux temps, la rupture étant précédée, quelques jours avant, d’un syndrome douloureux abdominal. Elles sont liées à des hémopathies malignes, des pathologies infectieuses, inflammatoires, toxiques, médicamenteuses, etc.

L’étiologie majeure est la rupture d’anévrysme. Il peut s’agir aussi de faux anévrysmes après pancréatite aiguë − survenant parfois plusieurs années plus tard −, de cause infectieuse (anévrysme mycotique), après des antécédents d’ulcère ou de traumatisme. Les hémorragies veineuses par rupture de varices utéro-ovariennes sont rares.

Session « L’abdomen aigu grave : astuces au quotidien pour un diagnostic fiable »

Dr Maia Bovard-Gouffrant

Source : Le Quotidien du médecin