En 2017, un premier bébé américain né grâce à une greffe utérine avait vu le jour à Dallas. Depuis, d'autres naissances ont suivi. Dans le « Jama Surgery », le consortium américain sur la transplantation utérine créé en 2019 dresse le bilan de cinq ans de cette pratique.
Celui-ci est constitué des experts des trois centres qui effectuent des greffes utérines aux États-Unis : le Baylor University Medical Center à Dallas (Texas), la clinique de Cleveland (Ohio) et l'Université de Pennsylvanie (Philadelphie).
Entre février 2016 et septembre 2021, 33 femmes, d'âge moyen 31 ans, ont reçu un greffon utérin, 21 provenant d'une donneuse vivante et les autres d'une donneuse en état de mort cérébrale. Parmi les receveuses, 31 sont nées sans utérus en raison d'un syndrome de Mayer-Rokitansky-Küster-Hauser (MRKH).
Le taux de succès de la greffe était de 74 % à un an, soit 23 femmes sur 31 (deux receveuses ayant été exclues en raison d'une greffe d'utérus de moins d'un an). Parmi elles, 19 ont donné naissance à 21 enfants vivants, avec un âge gestationnel médian à la naissance de 36 semaines et 6 jours (de 30 semaines et un jour à 38 semaines) et un poids médian de 2,860 kg (de 1,310 kg à 3,940 kg). Les experts du consortium soulignent qu'aucune malformation congénitale n'a été rapportée chez les enfants.
« Les données agrégées des centres américains démontrent l'innocuité de la greffe utérine pour les receveuses, les donneuses vivantes et les enfants », résument les experts. Leur bilan montre par ailleurs de bons résultats, que la donneuse soit vivante ou en état de mort cérébrale.
La greffe utérine, un soin standard ?
Pour le Pr Jean-Marc Ayoubi, chef du service de gynécologie obstétrique et médecine de la reproduction de l'hôpital Foch (Suresnes), à l'origine de la première naissance en France, ce travail apporte un « espoir supplémentaire », en montrant que la greffe utérine peut désormais « passer de l'expérimentation à un traitement chirurgical de soin courant ». Le gynécologue précise que « l'Allemagne a devancé cette publication », alors que la sécurité sociale allemande considère d'ores et déjà la greffe utérine comme un protocole de soins.
En France, l'équipe du Pr Ayoubi dispose depuis 2017 d'une autorisation de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) pour réaliser dix greffes à partir de donneuses vivantes, mais l'étude a été fortement ralentie par la crise liée au Covid.
Une première transplantation par chirurgie robot-assistée en Suède
« En dehors du fait que les Américains ont eu recours à la fois à des donneuses vivantes et à des donneuses en état de mort cérébrale, leur protocole est relativement similaire au nôtre, explique le Pr Ayoubi. En particulier, ils utilisent comme nous la chirurgie robot-assistée pour le prélèvement du greffon. »
Désormais, le recours à la chirurgie robot-assistée, permettant une approche beaucoup moins invasive, est aussi envisagé pour la transplantation. « En octobre, l'équipe suédoise de Mats Brännström (pionnière dans la greffe utérine, avec une première naissance en 2014, NDLR), en collaboration avec notre équipe, a réalisé la première greffe avec chirurgie robot-assistée à la fois pour prélever et transplanter le greffon », souligne le Pr Ayoubi, qui travaille étroitement avec les Suédois depuis plusieurs années. En France, où seule une femme a pour l'heure bénéficié de la greffe utérine, le protocole validé par l'ANSM ne prévoit pas de recourir à la chirurgie robot-assistée pour la transplantation.
Une deuxième greffe en France prévue d'ici à la fin de l'année
La prochaine greffe française devrait normalement avoir lieu d'ici à la fin de l'année, avance le Pr Ayoubi, qui déplore que « le protocole ait dû être suspendu pendant près de deux ans à cause du Covid ». Les explorations ont pu reprendre en janvier pour identifier les dernières patientes à inclure.
En France, « l'équipe de Rennes vient d'obtenir une autorisation, dans le cadre d'un programme hospitalier de recherche clinique (PHRC), pour réaliser une étude avec deux bras de dix patientes, l'un avec des greffons de donneuses vivantes, l'autre de donneuses en état de mort cérébrale », indique le Pr Ayoubi, précisant que les inclusions devraient démarrer d'ici à un an et demi. L'équipe de Limoges avait de son côté reçu en 2015 l'autorisation de réaliser huit greffes à partir de donneuses décédées, mais ce protocole a été suspendu.
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